Ligaments
Ligament interosseux
Un ligament interosseux unit les deux os de l'avant-bras et ferme l'espace circonscrit par leurs diaphyses. En général assez mince a ses extrémités ce ligament est très résistant dans sa partie moyenne. Il s'insère au bord tranchant des deux os toutefois les faisceaux moyens les plus résistants empiètent largement sur la face antérieure du radius. Il est formé de faisceaux larges obliquement descendants du radius vers le cubitus; sur sa face postérieure, on voit quelques faisceaux très faibles qui s'entrecroisent avec les précédents. Le ligament interosseux finit à quelques centimètres au-dessous de la tubérosité bicipitale par un bord concave qui ménage avec les os voisins un orifice en partie fermé par le court supinateur, et qui livre passage à l'artère interosseuse postérieure.
Dans son tiers inférieur le ligament interosseux présente toujours un orifice elliptique ou mieux un canal qui le traverse très obliquement de haut en bas et d'avant en arrière, et par lequel s'engagent les branches postérieures de l'artère interosseuse antérieure.
Par son extrémité Inférieure le ligament interosseux s'amincit à quelques centimètres au-dessus de l'articulation radio-cubitale inférieure et se transforme peu à peu en une lamelle fibreuse qui revêt la face postérieure du carré pronateur. Ordinairement un faisceau vertical se prolonge jusqu'au cul-de-sac de l'articulation radio cubitale Inférieure.
Ligament de Weitbrecht
On donne le nom de ligament rond ou ligament de Weitbrecht à un petit faisceau fibreux qui descend obliquement de la partie inférieure et externe de l'apophyse coronoïde vers la face antérieure du radius à laquelle il se fixe immédiatement au-dessous de la tubérosité bicipitale.
L'existence de ce faisceau est constante, mais sa force est très variable; je ne l'ai jamais rencontré sous la forme de ligament rond que lui décrit Weitbrecht : c'est un petit ruban fibreux, le plus souvent très faible qui contourne le tendon et la tubérosité bicipitale.
On a discuté la valeur et le rôle de ce ligament Weitbrecht lui assigne pour fonction de limiter la supination « hoc ligamentum, quod chordam cubiti transversalem voco, coercet radium ne nimis resupinetur. » Depuis ce rôle lui a été contesté il est en effet bien facile de s'assurer qu'il n'a aucune influence sur la supination. Pourquoi chercher le rôle d'un ligament insignifiant, qui manque assez souvent et qui est remplacé parfois par une arcade fibreuse donnant insertion au fléchisseur propre du pouce ? J'y verrais plus volontiers le résultat d'une sorte de tassement du tissu voisin par le jeu du tendon bicipital, d'autant qu'il n'est pas très rare de trouver une deuxième « chorda. transversalis » au-dessus du tendon bicipital, ménageant avec la première le canal celluleux dans lequel se meut le tendon du biceps.
Physiologie du ligament interosseux
La plupart des anatomistes admettent avec Cruveilhier que cette membrane, assez improprement dénommée ligament interosseux, doit être considérée comme une aponévrose dont le principal usage est de servir des insertions musculaires. En effet la face antérieure donne insertion au fléchisseur profond des doigts, au fléchisseur propre du pouce et au carré pronateur; sur sa face postérieure te long abducteur, le long extenseur du pouce et l'extenseur propre de l'index prennent aussi une partie de leurs insertions.
Weitbrecht, qui lui attribue le rôle de limiter la supination, et Sappey ont fait remarquer que ce ligament était aussi un moyen d'union s'opposant a l'écartement des deux os quand l'une des faces de l'avant-bras subit une pression. Gegenbaur voit dans l'aponévrose interosseuse une « réminiscence de la juxtaposition immédiate primitive des deux os telle qu'elle existe chez les vertébrés inférieurs: c'est une masse fibreuse transformée en une membrane par suite de l'écartement progressif des deux os ».
A mon avis, la raison d'être, ou le rôle principal, si l'on préfère cette forme de langage, du ligament interosseux est toute différente. A ceux qui répètent avec et après Cruveilhier que ce ligament n'est qu'une membrane d'insertion, je conseillerai de regarder de près, d'étudier la force des faisceaux qui le composent et la largeur de leur insertion. Ils pourront s'assurer que la force de ce ligament est considérable, que dans sa partie moyenne il est plus épais et plus fort, du double au moins, que la longue bandelette dont on a fait te ligament latéral interne de l'articulation du genou. A mon avis, la résistance et la disposition du ligament interosseux sont en rapport avec la fonction d'associer le radius au cubitus, et réciproquement, dans tous les cas où le membre supérieur est appelé à exercer une pression ou à supporter un effort.
Supposons le cas le plus simple et le plus fréquent un individu fait un effort avec son bras droit étendu, la force, venant de l'omoplate, descend par l'humérus qui la transmet au cubitus, d'où elle passe à la main. Mais comment se fait cette dernière transmission Elle ne peut se faire par le cubitus qui ne s'articule avec aucun os du condyle carpien; seul, le radius, articulé avec ce condyle, peut en être l'agent. Or, nous avons appris que dans l'extension du bras le contact du condyle huméral avec la tête du radius n'existe guère ceci étant, la force ne peut passer directement de l'humérus au radius. Il faut donc que cette force transmise par l'humérus au cubitus passe ensuite dans le radius qui la transmettra a la main inversement si la force vient de la main, elle prendra nécessairement le chemin radio-cubito-huméral.
Il nous reste à connaitre quel peut être l'agent de cotte transmission du radius au cubitus. Faut-il le chercher dans l'articulation radio-cubitale supérieure ? Non, la direction des surfaces articulaires en contact suivant un plan vertical ne permet pas de s'arrêter à cette idée. L'articulation radio-cubitale inférieure avec son ligament triangulaire parait a première vue plus en rapport avec cette fonction mais en la considérant de près on voit que le ligament triangulaire dont le contact avec le semi-lunaire et le pyramidal se fait suivant un plan très obliquement descendant ne peut être cet agent.
Seul de tous les moyens d'union radio-cubitaux le ligament interosseux nous montre des fibres allant très obliquement d'un os à. l'autre, presque parallèlement aux os qu'elles unissent. Ces fibres qui semblent bien favorablement disposées pour la transmission d'une force d'un os à l'autre n'auraient elles pas été disposées ainsi par l'incessante répétition de cette fonction ? L'expérience va nous le dire,
Voici comment il faut procéder sur un avant-bras détaché, mettez à nu le ligament interosseux et cherchez à faire jouer les deux os l'un sur l'autre, dans le sens de leur longueur vous ne réussirez pas, quelle que soit la force employée. Sciez la tête radiale et la tête cubitale, de façon à ne laisser comme moyen d'union et d'association entre les deux os que le seul ligament interosseux, vous ne réussirez pas davantage a faire mouvoir, suivant leur longueur, les deux os l'un sur l'autre. et vous vous assurerez ainsi que le véritable trait d'union radio-cubital est le ligament interosseux.
Pour essayer d'obtenir des mouvements suivant la longueur du radius sur le cubitus, j'ai fixé le radius dans un étau et j'ai frappé a coups de maillet sur l'olécrane: j'ai quelquefois brisé le radius, je n'ai jamais pu déchirer ou désinsérer le ligament interosseux.
Je conclus le ligament interosseux est le trait d'union par lequel sont principalement transmises du radius au cubitus et réciproquement les forces cheminant dans le membre supérieur. C'est par la répétition de cette fonction que les fibres de ce ligament ont pris l'obliquité et la force qu'elles possèdent et qui seraient si peu en rapport avec la fonction de recevoir des insertions musculaires. Cette constatation, intéressante en physiologie, est aussi à prendre en considération dans le mécanisme de certaines fractures de l'avant-bras.
D'après Traité d'anatomie humaine par P. Poirier