Le radius et l'ulna (cubitus) sont articulés par leurs deux extrémités; de plus un ligament, le ligament interosseux, unit la diaphyse des deux os, et clôt l'intervalle compris entre eux.

Articulations radio-cubitale supérieure

 

Cette articulation appartient au genre trochoïde.

 

Surfaces articulaires

 

La petite cavité sigmoïde du cubitus représente un segment de surface cylindrique, le quart environ d'un cylindre creux, vertical, de 12 à 15 millimètres, de rayon sa concavité regarde en dehors. Elle est un peu plus large au niveau de sa partie postérieure, qui finit par un bord droit, qu'à son extrémité antérieure légèrement effilée. Son revêtement cartilagineux se continue supérieurement avec celui de la grande cavité sigmoïde.

 

Du côté du radius, la surface articulaire est représentée par la moitié interne du pourtour de la tête. Dans cette partie articulaire du pourtour placée en regard de la petite cavité sigmoïde, la hauteur du cylindre radial est triple ou quadruple de ce qu'elle est dans la moitié externe de ce pourtour.

 

Cette surface radiale s'effile à ses deux extrémités où elle se continue avec le rebord cartilagineux de la cupule; en haut son cartilage d'encroûtement continue celui du biseau radial. La surface articulaire radiale s'étend sur un arc de 180 degrés si l'on mesure l'arc décrit par la petite cavité sigmoïde, on voit qu'il ne dépasse guère 80 degrés la facette radiale est donc beaucoup plus étendue que la cubitale.

 

Moyens d'union

 

La capsule fibreuse de l'articulation radio-cubitale supérieure appartient à la capsule de l'articulation du coude, renforcée en ce point d'une façon adéquate à sa fonction supplémentaire de contenir et de maintenir la tête radiale, tout en lui permettant de tourner librement. Au dire de tous les auteurs, le principal moyen d'union de l'articulation radio-cubitale supérieure est représenté par un ligament dit ligament annulaire du radius : ce ligament inséré aux deux extrémités de la petite cavité sigmoïde du cubitus complète l'anneau ostéo-fibreux dans lequel tourne la tête radiale sa hauteur est d'un centimètre: son épaisseur et sa force sont considérables. Les dessins annexés à ces descriptions classiques ne permettent aucun doute sur l'existence et la force de ce ligament. Il n'en est pas de même des dissections le scalpel le plus habile est incapable d'isoler dans l'appareil ligamenteux externe du coude le ligament décrit ou figuré.

 

En cherchant bien, on trouve un plan très mince formé de fibres propres allant de l'une à l'autre extrémité de la petite cavité sigmoïde du cubitus; encore est-il presque impossible d'isoler ces fibres dans tout leur trajet. Par contre, on constate que la très grande majorité des fibres du ligament annulaire classique ne sont que des faisceaux réfléchis du ligament externe de l'articulation du coude.

 

Il est facile de vérifier cette disposition de l'appareil ligamenteux radio-cubital en le regardant par sa face articulaire.

 

Je conclus que les moyens d'union de l'articulation radio-cubitale supérieure sont représentés par une coiffe fibreuse dont les faisceaux principaux appartiennent au ligament latéral externe de l'articulation du coude c'est la réflexion de ces faisceaux autour de la tête radiale qui forme surtout le ligament annulaire, qui n'a lui-même que peu de fibres propres. La dissection de cette coiffe est rendue fort malaisée par ce fait que les tendons des muscles radiaux, extenseurs et court supinateur renforcent et confondent en partie leurs nombres avec celles du ligament avec un peu d'attention on arrive cependant à bien l'isoler.

 

Cette coiffe fibreuse se termine inférieurement par un bord net, au-dessous duquel la synoviale vient former un bourrelet annulaire recouvert par le court supinateur. Sur ce bourrelet on peut voir quelques petits trousseaux fibreux verticaux, lâches, clairsemés: ils appartiennent à la capsule et vont se rendre au col du radius.

 

A la partie interne de l'article, ces fibres capsulaires forment une lame quadrangulaire allant du bord inférieur de la petite cavité sigmoïde à la moitié interne du col radia); ces fibres, de force très variable, laissent libre le bord inférieur cartilagineux de la petite cavité sigmoïde, elles constituent ce que Dénucé a appelé le ligament carré radio-cubital.

 

Synoviale

 

La synoviale nous est déjà connue commune avec la grande synoviale de l'articulation du coude, elle dessine un bourrelet annulaire autour du col radial. Signalons seulement la présence de fines villosités synoviales autour du col du radius, en regard de la petite cavité sigmoïde.

 

Rapports

 

L'articulation radio-cubitale supérieure est en partie recouverte en avant et en dehors par le bord supérieur du court supinateur ; par dessus ce premier plan musculaire, les insertions supérieures des muscles épicondyliens, extenseurs et radiaux se disposent circulairement. Entre ces deux plans les mouvements de la t6te radiale ont détermine la formation d'un organe séreux, intermédiaire le plus souvent au court supinateur et aux tendons extenseurs; c'est la bourse séreuse sous-épicondylienne profonde dont j'ai donné la description (V. Thèse Austric, 1889). La branche postérieure du nerf radial contourne par un trajet spiroïde la tête et le col du radius, traversant le court supinateur pour gagner la face dorsale de l'avant-bras.

 

En arrière, l'articulation est en rapport avec l'Ancôné que traverse l'artère récurrente radiale postérieure, branche de l'interosseuse.

 

Vaisseaux et nerfs

 

Les artères de l'articulation radio-cubitale supérieure viennent en arrière de l'humérale profonde et de la récurrente radiale postérieure qui s'anastomosent entre elles; en avant et sur les côtés de la récurrente radiale antérieure et de la récurrente cubitale antérieure.

 

Les nerfs ont les mêmes origines que ceux de l'articulation du coude la branche postérieure du nerf radial fournit quelques rameaux très fins à la partie antérieure de l'articulation radio-cubitale.

 

Varia

 

A. Le pourtour de la tête radiale n'est véritablement facette cartilagineuse que dans sa partie interne, c'est-à-dire dans celle qui entre en contact avec la petite cavité sigmoïde dans les mouvements de pronation et de supination. Dans sa partie externe on ne voit qu'un liseré cartilagineux répondant au frottement de cette partie sur la coiffe ligamenteuse par laquelle le ligament latéral externe s'adapte si étroitement à la tête du radius.

 

B. D'après Henle, le ligament annulaire se compose surtout de fibres horizontales étendues de l'extrémité antérieure à l'extrémité postérieure de la petite échancrure sigmoïde à côté de ces fibres, il faut signaler des fibres obliques soit ascendantes, soit descendantes, qui viennent de l'apophyse coronoïde en avant, de l'olécrane en arrière.

 

J'ai déjà dit (V. Articulation du coude) que Morel et Mathias-Duval avaient indiqué l'origine vraie des fibres qui entrent dans la formation de l'anneau fibreux dans lequel tourne la tête radiale.

 

Articulation radio-cubitale inférieure

 

Comme la précédente, c'est une articulation pivotante.

 

Surfaces articulaires

 

1° Le cubitus offre une surface articulaire décomposée en deux parties la facette terminale de la tête, aplatie, demi-circulaire, par laquelle le cubitus s'articule avec la face supérieure du ligament triangulaire et, sur la partie latérale externe de la tête, une autre facette en forme de croissant, plus haute à sa partie moyenne qu'à ses extrémités, et plus étendue que la petite cavité sigmoïde du radius avec laquelle elle s'articule. Ces deux facettes cubitales sont en continuité par un bord arrondi, mousse.

 

2° La tête cubitale, ainsi décomposée en deux facettes, entre en contact avec une cavité formée par la rencontre de la petite cavité sigmoïde du radius avec le ligament triangulaire de l'articulation radio-carpienne.

 

a) La petite cavité sigmoïde du radius est un segment de cylindre vertical, à concavité interne; son grand diamètre sagittal mesure de 15 à 20 mm. Sa hauteur atteint souvent jusqu'à un centimètre.

 

b) Le ligament triangulaire, horizontal ou à peu près, entre en rapport, par sa face supérieure, avec la facette terminale de la tête du cubitus, et par sa face Inférieure, avec le semi-lunaire et le pyramidal. Fixé par sa base au bord inférieur de la petite cavité sigmoïde du radius, il continue en dedans la surface articulaire de celle-ci par son sommet, il va s'insérer dans la fossette qui occupe la moitié externe de la tête cubitale et à l'apophyse styloïde du cubitus.

 

D'ordinaire, le ligament triangulaire est décrit comme moyen d'union d'après ce que nous venons de dire, il est clair qu'il doit être considéré, à la fois, comme surface articulaire, puisqu'il complète, avec la petite cavité sigmoïde du radius, la grande cavité de réception de la tête cubitale; et comme moyen d'union, puisque, fixé par sa base au radius, il va s'attacher solidement par son sommet au cubitus. II est à remarquer que l'insertion radiale de la base du ligament parait se faire par l'intermédiaire du cartilage d'encroûtement de cet os : en effet, ce cartilage, loin de subir une interruption au niveau de cette insertion, y atteint son maximum d'épaisseur.

 

L'épaisseur du ligament triangulaire est variable comme sa constitution. Il est composé de trousseaux fibreux, irradiant de l'insertion cubitale vers l'insertion radiale et d'une portion cartilagineuse plus ou moins étendue, encadrée dans les trousseaux fibreux. La portion cartilagineuse répond à la base radiale du ligament triangulaire; son épaisseur est des plus variables, elle varie de quelques dixièmes de millimètre à 2 millimètres parfois l'amincissement va jusqu'à la perforation, et les deux articulations communiquent par un orifice ovalaire ou en forme de fente.

 

L'interligne radio-cubital inférieur, ainsi formé, s'ouvre en dedans et en haut.

 

Les facettes, radiale et cubitale sont revêtues d'une couche de cartilage hyalin n par dessus laquelle s'étend une couche de fibrocartilage (Sappey).

 

Moyens d'union

 

La capsule fibreuse s'insère sur le pourtour des surfaces articulaires du radius et du cubitus et aux deux bords du ligament triangulaire où elle se continue avec la capsule de l'articulation radio-carpienne.

 

Cette capsule, assez lâche pour permettre un écartement de 1 centimètre entre les surfaces articulaires, est surtout forte au niveau de son insertion radiale où elle acquiert une grande épaisseur en avant elle est moins épaisse étant recouverte et suppléée en quelque sorte par le carré pronateur qui lui est très adhérent.

 

Quelques faisceaux fibreux, obliquement descendants des bords de la cavité sigmoïde du radius vers le cubitus, renforcent la capsule en avant et en arrière; ils ont été décrits par quelques auteurs comme ligaments antérieur et postérieur.

 

Synoviale

 

Tantôt distincte, tantôt réunie à la synoviale radio-carpienne, elle dessine, lorsqu'elle a été injectée, un gros bourrelet semi-annulaire entre les deux os, au-dessus de la tête cubitale (V. synoviale radio-carpienne).

 

La synoviale présente sur la paroi antérieure et sur la paroi postérieure deux trainées verticales de franges répondant au jeu de l'interligne radio-cubital dans les mouvements de pronation et de supination.

 

Rapports

 

L'articulation radio-cubitale inférieure affecte des rapports importante en avant avec le carré pronateur; en arrière avec les tendons l'extenseur propre du petit doigt et surtout avec le tendon du cubital postérieur. Autour d'elle est un tissu celluleux lâche en arrière la tête cubitale est comme bridée par le ligament annulaire postérieur du carpe, et ses frottements sur cette gaine fibreuse agrandissent les mailles du tissu celluleux, qu'ils transforment, souvent en une bourse séreuse.

 

Vaisseaux et nerfs

 

Les artères de l'articulation radio-cubitale inférieure sont fournies par les branches terminales des interosseuses antérieure et postérieure, et par quelques artérioles venues de l'arcade formée par les transverses antérieures du carpe, branches de la cubitale et de la radiale.

 

Les nerfs articulaires sont fournis par les nerfs interosseux antérieur et postérieur, branches du médian.

 

Ligament interosseux

 

Un ligament interosseux unit les deux os de t'avant-bras et ferme l'espace circonscrit par leurs diaphyses. En général assez mince a ses extrémités ce ligament est très résistant dans sa partie moyenne. Il s'insère au bord tranchant des deux os toutefois les faisceaux moyens les plus résistants empiètent largement sur la face antérieure du radius. Il est formé de faisceaux larges obliquement descendants du radius vers le cubitus; sur sa face postérieure, on voit quelques faisceaux très faibles qui s'entrecroisent avec les précédents. Le ligament interosseux finit à quelques centimètres au-dessous de la tubérosité bicipitale par un bord concave qui ménage avec les os voisins un orifice en partie fermé par le court supinateur, et qui livre passage à l'artère interosseuse postérieure.

 

Dans son tiers inférieur le ligament interosseux présente toujours un orifice elliptique ou mieux un canal qui le traverse très obliquement de haut en bas et d'avant en arrière, et par lequel s'engagent les branches postérieures de l'artère interosseuse antérieure.

 

Par son extrémité Inférieure le ligament interosseux s'amincit à quelques centimètres au-dessus de l'articulation radio-cubitale inférieure et se transforme peu à peu en une lamelle fibreuse qui revêt la face postérieure du carré pronateur. Ordinairement un faisceau vertical se prolonge jusqu'au cul-de-sac de l'articulation radio cubitale Inférieure.

 

Ligament de Weitbrecht

 

On donne le nom de ligament rond ou ligament de Weitbrecht à un petit faisceau fibreux qui descend obliquement de la partie inférieure et externe de l'apophyse coronoïde vers la face antérieure du radius à laquelle il se fixe immédiatement au-dessous de la tubérosité bicipitale.

 

L'existence de ce faisceau est constante, mais sa force est très variable; je ne l'ai jamais rencontré sous la forme de ligament rond que lui décrit Weitbrecht : c'est un petit ruban fibreux, le plus souvent très faible qui contourne le tendon et la tubérosité bicipitales.

 

On a discuté la valeur et le rôle de ce ligament Weitbrecht lui assigne pour fonction de limiter la supination « hoc ligamentum, quod chordam cubiti transversalem voco, coercet radium ne nimis resupinetur. » Depuis ce rôle lui a été contesté il est en effet bien facile de s'assurer qu'il n'a aucune influence sur la supination. Pourquoi chercher le rôle d'un ligament insignifiant, qui manque assez souvent et qui est remplacé parfois par une arcade fibreuse donnant insertion au fléchisseur propre du pouce ? J'y verrais plus volontiers le résultat d'une sorte de tassement du tissu voisin par le jeu du tendon bicipital, d'autant qu'il n'est pas très rare de trouver une deuxième « chorda transversalis » au-dessus du tendon bicipital, ménageant avec la première le canal celluleux dans lequel se meut le tendon du biceps.

 

Physiologie du ligament interosseux

 

La plupart des anatomistes admettent avec Cruveilhier que cette membrane, assez improprement dénommée ligament interosseux, doit être considérée comme une aponévrose dont le principal usage est de servir des insertions musculaires. En effet la face antérieure donne insertion au fléchisseur profond des doigts, au fléchisseur propre du pouce et au carré pronateur; sur sa face postérieure le long abducteur, le long extenseur du pouce et l'extenseur propre de l'index prennent aussi une partie de leurs insertions.

 

Weitbrecht, qui lui attribue le rôle de limiter la supination, et Sappey ont fait remarquer que ce ligament était aussi un moyen d'union s'opposant a l'écartement des deux os quand l'une des faces de l'avant-bras subit une pression. Gegenbaur voit dans l'aponévrose interosseuse une « réminiscence de la juxtaposition immédiate primitive des deux os telle qu'elle existe chez les vertébrés inférieurs: c'est une masse fibreuse transformée en une membrane par suite de l'écartement progressif des deux os ».

 

A mon avis, la raison d'être, ou le rôle principal, si l'on préfère cette forme de langage, du ligament interosseux est toute différente. A ceux qui répètent avec et après Cruveilhier que ce ligament n'est qu'une membrane d'insertion, je conseillerai de regarder de près, d'étudier la force des faisceaux qui le composent et la largeur de leur insertion. Ils pourront s'assurer que la force de ce ligament est considérable, que dans sa partie moyenne il est plus épais et plus fort, du double au moins, que la longue bandelette dont on a fait le ligament latéral interne de l'articulation du genou. A mon avis, la résistance et la disposition du ligament interosseux sont en rapport avec la fonction d'associer le radius au cubitus, et réciproquement, dans tous les cas où le membre supérieur est appelé à exercer une pression ou à supporter un effort.

 

Supposons le cas le plus simple et le plus fréquent un individu fait un effort avec son bras droit étendu, la force, venant de l'omoplate, descend par l'humérus qui la transmet au cubitus, d'où elle passe à la main. Mais comment se fait cette dernière transmission Elle ne peut se faire par le cubitus qui ne s'articule avec aucun os du condyle carpien; seul, le radius, articulé avec ce condyle, peut en être l'agent. Or, nous avons appris que dans l'extension du bras le contact du condyle huméral avec la tête du radius n'existe guère ceci étant, la force ne peut passer directement de l'humérus au radius. Il faut donc que cette force transmise par l'humérus au cubitus passe ensuite dans le radius qui la transmettra a la main inversement si la force vient de la main, elle prendra nécessairement le chemin radio-cubito-huméral.

 

Il nous reste a connaitre quel peut être l'agent de cotte transmission du radius au cubitus. Faut-il le chercher dans l'articulation radio-cubitale supérieure ? Non, la direction des surfaces articulaires en contact suivant un plan vertical ne permet pas de s'arrêter à cette idée. L'articulation radio-cubitale inférieure avec son ligament triangulaire parait a première vue plus en rapport avec cette fonction mais en la considérant de près on voit que le ligament triangulaire dont le contact avec le semi-lunaire et le pyramidal se fait suivant un plan très obliquement descendant ne peut être cet agent.

 

Seul de tous les moyens d'union radio-cubitaux le ligament interosseux nous montre des fibres allant très obliquement d'un os à. l'autre, presque parallèlement aux os qu'elles unissent. Ces fibres qui semblent bien favorablement disposées pour la transmission d'une force d'un os à l'autre n'auraient elles pas été disposées ainsi par l'incessante répétition de cette fonction ? L'expérience va nous le dire,

 

Voici comment il faut procéder sur un avant-bras détaché, mettez à nu le ligament interosseux et cherchez à faire jouer les deux os l'un sur l'autre, dans le sens de leur longueur vous ne réussirez pas, quelle que soit la force employée. Sciez la tête radiale et la tête cubitale, de façon à ne laisser comme moyen d'union et d'association entre les deux os que le seul ligament interosseux, vous ne réussirez pas davantage a faire mouvoir, suivant leur longueur, les deux os l'un sur l'autre. et vous vous assurerez ainsi que le véritable trait d'union radio-cubital est le ligament interosseux.

 

Pour essayer d'obtenir des mouvements suivant la longueur du radius sur le cubitus, j'ai fixé le radius dans un étau et j'ai frappé a coups de maillet sur l'olécrane : j'ai quelquefois brisé le radius, je n'ai jamais pu déchirer ou désinsérer le ligament interosseux.

 

Je conclus le ligament interosseux est le trait d'union par lequel sont principalement transmises du radius au cubitus et réciproquement les forces cheminant dans le membre supérieur. C'est par la répétition de cette fonction que les fibres de. ce ligament ont pris l'obliquité et la force qu'elles possèdent et qui seraient si peu en rapport avec la fonction de recevoir des insertions musculaires. Cette constatation, intéressante en physiologie, est aussi à prendre en considération dans le mécanisme de certaines fractures de l'avant-bras.

 

Essai de mécanique articulaire des articulations radio-cubitales pronation et supination.

 

Les trochoïdes radio-cubitales présentent une seule variété de mouvement, la rotation. C'est là, pour mieux dire, le mouvement essentiel et principal, car elles sont encore le siège d'un mouvement de glissement très léger.

 

Ces mouvements de rotation sont décrits, suivant le sens dans lequel la rotation s'exécute, sous les noms de pronation et de supination. Lorsque le membre supérieur est pendant le long du corps à l'état de repos, la face palmaire de la main regarde en dedans et le pouce est en avant; la pronation est le mouvement par lequel la face palmaire de la main est tournée en arrière, le pouce devenant interne la supination celui par lequel elle est tournée en avant, le pouce étant porté en dehors.

 

Ces mouvements, dont les agents musculaires sont au bras et à l'avant-bras, le biceps et le court supinateur pour la supination, le rond et le carré pronateur pour la pronation, se passent dans les articulations radio-cubitales. Leur mécanisme est des plus intéressants.

 

La pronation et la supination sont encore décrites dans les traités d'anatomie modernes, aussi bien en France qu'à l'étranger, comme de simples mouvements de rotation du radius sur le cubitus, dans lesquels l'extrémité supérieure du radius tourne sur place autour d'un axe vertical passant par le contre de sa cupule, tandis que son extrémité inférieure se déplace circulairement autour d'un axe passant par.la tête du cubitus. En d'autres termes, dans l'articulation radio-cubitale supérieure, la tête du radius tourne dans la cavité sigmoïde du cubitus, tandis que dans la radio-cubitale inférieure, la cavité sigmoïde du radius tourne autour de la tête du cubitus. Dans tous ces mouvements, c'est le radius qui se déplace, le cubitus reste fixe.

 

Telle est la description classique des mouvements de pronation et de supination. En contradiction, à mon avis, avec l'observation et la réalité, cette théorie a rencontré des adversaires convaincus pour mon compte et après nombre de recherches et d'expériences variées, je ne puis l'accepter.

 

Elle a été combattue autrefois par Winslow et par Vicq d'Azyr qui admettaient que les deux os de l'avant-bras concouraient plus ou moins à la pronation et à la supination.

 

Dès cette époque, Vicq d'Azyr attribuait à une petite flexion et à une petite extension se produisant alternativement dans l'articulation huméro-cubitale, les mouvements de l'extrémité inférieure du cubitus; il apportait à l'appui les expériences les plus convaincantes.

 

Il semble en effet, à première vue, que la mobilité des deux os soit indéniable. L'observation suivante nous parait la démontrer péremptoirement.

 

Si, plaçant votre avant-bras en flexion et appuyant votre coude sur la table, vous suivez la tête du cubitus pendant les mouvements de pronation et de supination imprimés à votre main, vous constaterez nettement un déplacement de la tête cubitale dans un sens opposé au mouvement du radius. Vous verrez, s'il s'agit d'un mouvement de pronation que, pendant que le radius se porte en dedans, le cubitus se porte en dehors. Variez les conditions de l'expérience, soit en vous plaçant devant une glace, soit, comme j'ai l'habitude de le faire dans mes cours, en mettant votre poignet au centre d'un cercle sur lequel vous marquez par un trait la position de la tête cubitale au commencement et à la fin du mouvement toujours vous arriverez au même résultat le cubitus loin de rester immobile se déplace dans les mouvements de pronation et de supination. Cependant Bertin a prétendu « qu'il y avait là illusion de deux sens, de la vue et du toucher, » alléguant « que nous rapportions au cubitus une partie du mouvement qui appartient au radius, de la même manière que nous rapportons aux étoiles le mouvement des nuages qui les obscurcissent, et au rivage le mouvement de la barque », et depuis cette opinion a pour ainsi dire fait loi. Cependant il suffit d'opérer ces mouvements devant une glace, pour répondre aux objections de Bertin reproduites par Cruveilhier.

 

Vers 1828, Gerdy (Physiologie médicale didactique et critique) enseigna que les deux os sont mobiles « que pendant que le radius décrit un demi-cercle, l'extrémité inférieure du cubitus en décrit un en sens inverse, en sorte qu'ils tournent tous les deux à la fois sur un axe commun qui passe par leur espace interosseux ». Il montra comment la main suivant le mouvement de l'avant-bras, le pouce et l'indicateur marchent dans le même sens que le radius, tandis que l'annulaire et le petit doigt suivent le mouvement du cubitus. Gerdy alla plus loin; il observa les changements que l'on peut volontairement apporter dans l'axe de rotation commun aux deux os do l'avant-bras. « Appuyez successivement. dit-il, la main par la bout du doigt indicateur et ensuite du médius, puis de l'annulaire et enfin du petit doigt, contre un plan vertical, un mur par exemple, puis exécutez alternativement des mouvements de pronation et de supination sur le bout de chacun de ces doigts appliqués, seul à seul vous verrez tour a tour chacun d'eux devenir l'axe de rotation de la main. Dans l'appui sur l'indicateur, l'arc de cercle décrit par le radius sera tout petit, tandis que celui décrit par le cubitus sera très grand ce sera l'inverse dans l'appui sur le petit doigt. »

 

Ce magnifique chapitre d'observation sur le vivant n'entraina point la conviction des anatomistes. L'objection sérieuse qui fut faite est la suivante si sur un avant-bras disséqué et dépouillé de ses muscles vous immobilisez le cubitus dans un étau, les mouvements de pronation et de supination restent possibles, bien qu'on ne puisse alors parler d'une mobilité quelconque du cubitus. Je répondrai de ce fait que des mouvements de rotation du radius autour d'un cubitus immobilisé sont possibles, a-t-on le droit de conclure que les choses sa passent ainsi physiologiquement sur le vivant, sur lequel on constate le mouvement indéniable du cubitus ? Non assurément. Je vais plus loin les mouvements obtenus dans cette expérience cadavérique, ne ressemblent en rien aux mouvements de pronation et do supination que l'on observe sur le vivant. Si la supination ou la pronation étaient uniquement produites par la rotation du radius sur le cubitus fixe, la main, au lieu de tourner sur son axe fictif, pivoterait sur son bord interne et, ne pourrait conserver ses rapports avec l'objet saisi, si celui-ci était fixe. Toutes les fonctions de la main, dans lesquelles celle-ci doit tourner sur son axe, comme dans l'action d'enfoncer une vrille, dû mouvoir un tournevis ou un tire-bouchon deviennent impossibles.

 

Duchenne de Boulogne (Physiologie des mouvements 1867) reprit la théorie de Gerdy, et apporta à l'appui l'expérimentation sur le cadavre, et l'observation sur le vivant à l'aide de la faradisation. Pour cet auteur le radius et le cubitus décrivent, dans les mouvements de pronation et do supination, des arcs de cercle en sens contraire et d'égale étendue, autour d'un axe fictif passant par le troisième métacarpien.

 

Duchenne donna une bonne analyse des mouvements de circumduction do l'extrémité inférieure du cubitus par une succession do mouvements de flexion et d'extension dans l'articulation huméro-cubitale. Dans ses expériences il a constaté que lorsqu'on imprimait un mouvement lent de pronation à une main placée en supination, le cubitus subissait un mouvement d'extension pendant le premier tiers du quart cercle décrit par son extrémité inférieure, puis un petit mouvement de flexion dans le dernier tiers. Lorsque la main était ramenée lentement en supination les mêmes mouvements se reproduisaient en ordre inverse; dans l'articulation huméro-cubitale. En somme parla succession de ces mouvements et leur combinaison avec l'inclinaison latérale, l'extrémité inférieure du cubitus décrit un arc de cercle. Il vit aussi que l'axe de ces mouvements pouvait se déplacer soit en dedans soit en dehors suivant le doigt point d'appui. Il montra que dans ces mouvements le cubitus-né suivait pas passivement le radius, mais qu'il était mu aussi par des agents musculaires supinateurs et pronateurs, l'anconé et le carré pronateur.

 

Depuis, deux mémoires de Lecomte ont paru (Archives générales de Médecine, 1876 et 1877) confirmant les travaux de Gerdy et de Duchenne. A l'étranger les travaux de Koster (1882), d'Heiberg (1886) et le mémoire plus récent de Cuenod (Interna. Monatr. f. Anat. und Phy. 1888 Bd 5 Heft, 10) ont conclu dans le même sens. Ils ont été l'objet de nombreuses critiques si bien qu'à l'heure actuelle, l'opinion ancienne d'un radius tournant autour d'un cubitus immobile est à peu près partout la doctrine classique.

 

Tout à fait séduit par la lecture des travaux de Gerdy et de Duchenne de Boulogne, j'ai entrepris un certain nombre de recherches et d'expériences dans le but de me faire une conviction sur le sujet. Ces expériences ont été faites dans mon laboratoire au cours de l'hiver 1888-1-889, avec l'aide de mes élèves et amis MM. Meige et Meunier. Nous avons multiplié et varié les expériences, agissant tantôt sur des bras rattachés au tronc par leurs liens naturels, tantôt sur des bras isolés, et dans ce dernier cas, nous fixions solidement l'humérus dans un étau, de façon à éviter toute cause d'erreur de ce côté. Nous avons fait passer successivement l'axe par tous les doigts de la main ayant fixé des stylets inscripteurs dans le cubitus et le radius nous avons pu recueillir quantité de tracés. Nos travaux ont confirmé le mécanisme donné par ces maîtres en observation.

 

On remarquera et le fait nous surprit fort, que dans tous les mouvements et, quelque soit l'axe, les deux os sont mobiles, jamais on ne voit l'un d'eux tourner autour de l'autre resté fixe; mais tandis que l'un se déplace suivant une circonférence, l'autre, radius ou cubitus, tourne sur place. A cet égard mes résultats diffèrent quelque peu des résultats obtenus par ceux qui ont étudié ces mouvements avant nous.

 

Physiologiquement, je veux dire sur le vivant, l'observation démontre que l'humérus prend part à ces mouvements de pronation et de supination. Lecomte et P. Richer (loc. cit.) ont étudié les mouvements de rotation de l'humérus dans son articulation avec l'omoplate, au cours des mouvements de pronation et de supination. Ils sont marqués surtout dans l'extension dans la flexion de l'avant-bras sur le bras, la part prise par la rotation de l'humérus est moindre.

 

En ce qui concerne les mouvements des deux os, envisagés par leur extrémité supérieure, nous avons observé la flexion, l'inclinaison latérale et l'extension légère si bien relevées par Duchenne de Boulogne dans l'articulation huméro-cubitale.

 

De plus, nous avons vu qu'un point quelconque de l'extrémité supérieure du radius décrit de l'extrême supination à la pronation extrême un arc de 120 degrés environ. Ayant coupé successivement le ligament interosseux, la bandelette de Weitbrecht et la coiffe radio-cubitale supérieure, nous avons pu vérifier que l'étendue de ces mouvements n'était en rien accrue ainsi se confirme notre opinion que ce sont les fibres internes de la capsule (ligament de Denucé) qui, en s'enroulant autour du col radial, limitent les mouvements de pronation et de supination.

 

L'axe autour duquel tourne la tête du radius passe par le centre de la cupule, mais n'est point fixe ; ce qui était à prévoir étant donné que le pourtour de la tête n'est point parfaitement circulaire, mais plutôt ovalaire.

 

De plus dans la pronation la tête du radius se porte un peu en avant, et parait se rapprocher du condyle, par une sorte de glissement dans l'articulation radio-cubitale supérieure, tandis que dans la supination elle se porte en arrière et tend à s'écarter du condyle.

 

Les articulations radio-cubitales supérieure et inférieure jouissent d'une grande indépendance physiologique; quelle que soit la position, j'entends position naturelle et non forcée, donnée a 'l'avant-bras sur le bras, les mouvements de pronation et de supination continueront de s'effectuer.

 

D'après Traité d'anatomie humaine P. Poirier.

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