Le crâne est élastique. Très-développée sur les crânes d'adulte, cette propriété diminue sur les crânes de personnes âgées.

 

Voici comment j'ai l'habitude de démontrer ce fait dans mes cours deux crânes, l'un d'adulte, l'autre de vieillard (70 ans, par exemple), sont préparés, c'est-à-dire séparés des os de la face et vidés de leur contenu- Les deux crânes, tenus à un mètre environ au-dessus d'un sol recouvert de dalles, sont abandonnés à leur propre poids et tombent sur le vertex le crâne d'adulte rebondit comme une balle élastique presque jusqu'au point de départ, tandis que le crâne de vieillard se brise généralement en produisant le bruit classique de pot fêlé.

La disposition de la substance osseuse des os du crâne présente un intérêt particulier sur une coupe on reconnaît qu'il existe deux lames de tissu compacte séparées par une couche de tissu spongieux. Des deux lames l'une est externe, l'autre interne le tissu intermédiaire prend le nom de diploé. Le diploé est composé de lamelles osseuses très-minces limitant des espaces dans lesquels circulent des vaisseaux artériels et surtout veineux il ne laisse pas que de ressembler un peu au tissu spongieux des os courts ou à celui des extrémités des os longs; cependant les deux lames de tissu compacte sont parfois tellement rapprochées l'une de l'autre, qu'il n'existe aucun tissu intermédiaire c'est ce qu'on observe, par exemple, sur la lame criblée de l'ethmoïde, sur l'écaille du temporal.

Les deux tables possèdent chacune des propriétés particulières la table externe présente une certaine épaisseur; elle est régulière et donne au crâne son aspect lisse et uni; elle est de plus très-élastique la table interne est plus blanche, notablement moins épaisse et irrégulière à sa surface, où l'on voit des saillies, des dépressions et de longues gouttières occupées par des vaisseaux.

Mais ce qui caractérise surtout la table interne, c'est sa fragilité, que l'on a comparée à celle du verre d'où le nom de lame vitrée, sous lequel on la désigne encore. La lame vitrée est très cassante et absolument privée d'élasticité cette dernière propriété appartient exclusivement à la table externe et au diploé.

De ces faits découlent des conséquences importantes.

A la suite d'une chute sur le crâne il peut se produire une fracture de la table interne avec intégrité de la table externe et du diploé. Voici comment nous comprenons ce fait, dont le diagnostic ne saurait être malheureusement que soupçonné. Sous l'influence du choc la table externe s'affaisse, tend à devenir plane ou même à se déprimer, si le choc est violent; elle exerce sur le diploé sous-jacent une pression immédiatement transmise à la table interne, qui se déprime aussi vers la cavité crânienne d'une quantité égale à celle de la table externe.

Mais cette dernière, très-élastique, se relève tout de suite, si le choc n'a pas été suffisant pour la fracturer, tandis que l'interne, ne pouvant suivre ce retrait, se brise et présente môme souvent un éclat.

Une autre raison vient encore s'ajouter à la précédente pour produire le même phénomène. Les deux tables du crâne appartiennent chacune une circonférence dont le rayon n'est pas absolument le même, puisque la circonférence interne est inscrite dans l'externe or le choc porté sur un point du crâne tend à redresser également les courbures des deux lames, et c'est évidemment celle qui appartient au plus court rayon qui doit se briser la première. Cette cause ne serait sans doute pas capable à elle seule de produire la fracture isolée de la lame vitrée, vu la légère différence de courbure des deux lames dans l'espace limité de la voûte crânienne où porte le choc, mais elle n'est plus négligeable du moment où les deux parois sont l'une élastique et l'autre fragile, alors surtout que la plus courte est la plus fragile. Le même phénomène ne se produit-il pas d'ailleurs sur un cerceau de bois vert dont on veut redresser la courbure, la surface concave se brisant alors que la surface convexe résiste encore ?

Une autre conséquence très importante résulte du défaut absolu d'élasticité de la lame vitrée.

Dans une fracture du crâne on ne peut se faire une idée exacte de la disposition de la fracture en s'en rapportant seulement à l'état de la table externe alors, en effet, que cette dernière présente une simple fissure, l'interne peut offrir et offre souvent plusieurs fragments. Ceux-ci restent exactement dans le point où les a mis le choc, c'est-à-dire que leurs pointes, dirigées ver. le cerveau, déchirent parfois la dure-mère et les branches de la méningée, ou même pénètrent dans la substance cérébrale. On conçoit aisément pourquoi ces esquilles affectent souvent une forme étoilée la lame vitrée ayant éclaté dans le point percuté, les fragments restent attachés par leur base, tandis que les pointes convergent vers la cavité crânienne. La présence de ces esquilles ajoute encore à la gravité des fractures du crâne elles sont la source de méningo-encéphalites primitives et d'accidents consécutifs variés, et, si la clinique pouvait parvenir à en démontrer l'existence, nul doute pour moi qu'il ne fût indiqué de les redresser ou de les extraire à l'aide d'une couronne de trépan, ainsi que l'a de nouveau proposé M. le docteur Jules Bœckel mais on ne peut malheureusement que les soupçonner dans la grande majorité des cas, et, malgré l'autorité de M. Sédillot, la plupart des chirurgiens n'admettent pas aujourd'hui que cela suffise pour appliquer le trépan.

D'après Traité d'anatomie topographique avec applications à la chirurgie par T. Tillaux

 

 

 

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