Il est rationnel de penser que les cellules nerveuses, se comportant en cela comme certains autres éléments histologiques, les cellules glandulaires par exemple, se modifient dans leur aspect et leur constitution anatomique en passant de l’état de repos à l’état actif et de l’état simplement actif à l’état de fatigue.

Ces modifications existent en effet et elles portent à la fois sur la partie chromatique et sur la partie achromatique.

Modifications portant sur la partie chromatique

Et, d'abord, quelles modifications subit la chromatine cellulaire dans les différents états fonctionnels ?

La solution du problème présente, on le conçoit, des difficultés fort nombreuses, et les premières recherches entreprises à ce sujet ne nous ont fourni que des résultats incertains, souvent même contradictoires.

C’est ainsi que le corps cellulaire augmenterait de dimensions pendant la période d'activité, d’après Nissl et Vas ; diminuerait, au contraire, dans les mêmes conditions, suivant Hodge et Mann. En ce qui concerne le noyau, l’excitation de la cellule nerveuse le ferait augmenter de volume d’après Vas, le rapetisserait et le ratatinerait d'après Mann. Mêmes contradictions pour la colorabilité du corps cellulaire : pour les uns, cette colorabilité serait augmentée par le fonctionnement : pour les autres, elle serait au contraire plus grande au moment du repos.

Lugaro, en 1895, a repris et complété, en les variant, les expériences de ses prédécesseurs. Comme Vas, il a limité son étude au ganglion cervical supérieur du lapin ; mais il est probable que ses conclusions, touchant les cellules sympathiques périphériques, s’appliquent également aux cellules des centres, tout au moins dans ce qu'elles ont d’essentiel. Voici ses conclusions :

1° La cellule à l'état d’activité augmente de volume : il y a comme une turgescence de sa masse protoplasmique. 

2° Le noyau ne subit aucun changement de volume dans les degrés modérés d’activité.

Quand l’activité est continue et prolongée, il présente des modifications analogues à celles du corps cellulaire ;

3° L’état fonctionnel exerce encore une action sur la substance chromatique du corps cellulaire.

Lugaro pense que l’activité détruit une partie de la substance chromatique, en même temps qu’elle atténue son affinité pour les colorants.

Un certain nombre de cellules corticales à différents états fonctionnels (d’après van Durme).

1, grande cellule pyramidale de l’écorce cérébrale, obscure ou à l’état de repos. —. 2, cellule polymorphe, également, à l’état de repos. — 3, grande cellule pyramidale, claire ou en pleine activité. — 4, grande cellule pyramidale fatiguée. — 5, 6, cellules du cervelet vacuolisées, à l’état de fatigue décroissante. — 7 et 8, cellules actives du cervelet avec des leucocytes mononucléaires à l’extérieur et à l'intérieur.

 

Plus récemment, la question a été reprise par bon nombre d’observateurs, notamment par Pugnat (1900), par Guerrini (1900), par Holmgren (1900) et par Van Durme (1901). Pugnat et Guerrini ont eu l’ingénieuse pensée de fatiguer des chiens en les obligeant à courir longtemps dans une roue semblable au tour à écureuil et mue par la force hydraulique. En remplaçant ainsi l’excitant électrique par l’excitant physiologique, ils se sont placés dans des conditions expérimentales biologiques meilleures. Les résultats obtenus par Pugnat, Guerrini, Holmgren et van Durme ont confirmé, pour les cellules de l’écorce cérébrale et cérébelleuse, les constatations déjà faites par Lugaro sur les cellules sympathiques du lapin : l’activité de la cellule nerveuse a pour conséquence une disparition graduelle de ses éléments chromatiques, ce qui constitue la chromatolyse (chromolyse de Van Gehuchten) ; la cellule fatiguée est plus petite qu’à l’état normal et, d’autre part, elle ne possède que peu ou point de chromatine, suivant que la chromatolyse a été partielle ou complète. La substance chromatique prend l’aspect tigré ; elle devient tigroïde.

On peut distinguer dans la substance tigroïde trois états : pycnomorphe, apycnomorphe, et parapycnomorphe. Dans l’état pycnomorphe, les corps de Nissl volumineux sont rapprochés, la substance achromatique est teintée, le noyau contracté est bourré de granulations ; le volume de la cellule est diminué : c’est l’état sombre, indice du repos cellulaire,

Dans l’état apycnomorphe, les corps de Nissl, moins serrés, sont plus clairs ; la substance achromatique, plus abondante, est moins teintée. Le corps cellulaire gonflé et turgescent, contient un noyau ayant l’aspect d’une vésicule claire. C’est l’état clair, état qui témoigne d’une phase d’activité de la cellule.

Entre les deux, l’état parapycnomorphe ou intermédiaire montre que le neurone présente comme les cellules glandulaires une série de phases fonctionnelles. 

Signalons autour des cellules nerveuses fatiguées l’affluence de leucocytes venus non pour les débarrasser de leurs produits cataboliques, mais, d’après Van Durme, pour apporter de la substance chromatique. Les états pathologiques de la substance nerveuse se traduiront ainsi par de profondes modifications des corps de Nissl.

Modifications portant sur la partie achromatique

Le réticulum cytoplasmique lui-même n’est- pas fixe, mais subit-, du fait de l’état fonctionnel de la cellule nerveuse, des modifications morphologiques.

En 1903, Tello, un élève de Ramon y Cajal, signale, dans les cellules spinales des reptiles (lézard), des fibrilles d’une épaisseur considérable, qu’il désigne sous le nom de fibrilles géantes. Or ces fibrilles géantes, qu’il rencontre constamment sur les sujets examinés Y hiver, c’est-à-dire sur des sujets engourdis par le froid, il ne les retrouve plus, l'été, quand les sujets, éveillés depuis déjà quelques mois, ont récupéré leurs fonctions normales : chez ces derniers, les fibrilles du réseau protoplasmique sont- infiniment plus nombreuses, plus rapprochées et d'une finesse qui rappelle exactement celles des mammifères.

Ramon y Cajal a pensé qu’une telle différence morphologique entre lézards d'hiver et lézards d'été pourrait bien être le résultat d’une différence existant dans l’état fonctionnel des cellules nerveuses à deux époques si différentes de l’année : la saison froide et la saison chaude. Et les nouvelles recherches de Tello lui ont donné raison. Si, en effet, au commencement du printemps, quand cesse le sommeil hibernal, on soumet des lézards pendant- deux ou trois jours à une température de 25° à 37°, on constate chez eux que toutes les fibrilles géantes ont disparu pour faire place à des fibrilles extrêmement fines, rappelant exactement, par leurs caractères et leur mode d’agencement, celles, signalées plus haut, sur les lézards examinés pendant l’été.

Il paraît donc rationnel de penser en manière de conclusions :

1° que, sous l’influence du froid, amenant chez les animaux hibernants l’engourdissement et le sommeil, les fibrilles nerveuses du réticulum cytoplasmique se rapprochent et se réunissent par groupes (a), de façon à former des fibres très volumineuses, que séparent les unes des autres des intervalles relativement considérables ;

Deux cellules de la substance réticulaire du bulbe rachidien : A, chez un lézard, peu de temps après le réveil du sommeil hibernal, encore engourdi ; B, chez un lézard, au printemps, en pleine période d’activité (d’après Tello).

1, grosse fibre, où l’on voit les fines fibrilles qui la constituent en train de se dissocier et de s’écarter. — b, quelques fibrilles fines, qui se sont déjà dissociées. — c, réseau périnucléaire.

2° que, sous l’influence de la chaleur, au contraire, ramenant l’animal à son activité ordinaire, ces mêmes fibrilles se dissocient de nouveau pour constituer ce réseau à trabécules fines et à mailles étroites (b) qui caractérise les cellules nerveuses des vertébrés supérieurs.

 

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