En médecine, deux noms sont glorieux entre tous, Hérophile et Erasistrate. Le premier, natif de Chalcédoine, en Bithynie, était disciple de Praxagoras de Cos, et de l'école d'Hippocrate. Il fut, croit-on, le premier Grec qui disséqua des cadavres humains, le fondateur de l'anatomie descriptive, laquelle conserve encore aujourd'hui les dénominations pittoresques qu'il donna à certaines parties du cerveau. Sa curiosité se porta de préférence sur le grand appareil des centres nerveux et de leurs ramifications, et sur le système des vaisseaux qui charriant le sang. De là sa prédilection pour une théorie qui plaçait dans les humeurs la cause prochaine des maladies, et toute une doctrine du pouls et des pulsations artérielles, dont il étudia subtilement les variétés, comme symptômes des divers états pathologiques. C'est ainsi qu'il usait de ses connaissances anatomiques pour déterminer la nature et prévoir le cours des maladies l'observation prenait dès lors un caractère plus scientifique.

 

Herophile

Herophile empruntait tous ses remèdes aux plantes qu'il croyait douées de vertus spéciales. Il connut, paraît-il, le réseau merveilleux qui reçoit le suc des aliments pour le verser par le canal thoracique dans le torrent de là circulation. S'il est vrai, comme il y a grande apparence, qu'il eut connaissance de ces vaisseaux délicats qui absorbent le chyle et le transportent dans le sang, il n'est point douteux qu'il pratiqua la vivisection ou l'anatomie des animaux vivants. Une tradition qu'il est plus facile de contester que de réfuter, car elle repose sur le témoignage de Celse, auteur grave, bien informé et très judicieux, accuse Herophile d'avoir ouvert des criminels que lui livraient les rois d'Egypte, pour surprendre dans leurs entrailles les secrets de la vie. Curiosité sacrilège, crime irrémissible, dont on ne saurait absoudre un médecin qui a pour mission de guérir et de conserver. Erasistrate en fit autant, d'après la même autorité et cette complicité presque certaine est un lien dé plus entre ces deux hommes dont les noms sont inséparables dans l'histoire de l'art médical.

Erasistrate

Erasistrate naquit à Céos, dans la ville d'Iulis, patrie fortunée des grands poètes lyriques Simonide et Bacchylide, et du philosophe péripatéticien Ariston. Il était proche parent d'Aristôte (son neveu d'après Pline) ; disciple de Chrysippe ou de Métrodore, célèbres médecins de l'école de Cnide, rivale de celle de Côs. On sait avec quelle sagacité il découvrit la cause de la maladie de langueur qui consumait le prince Àntiochus, Os dé Séleucus, roi de Syrie.

Cette cure mémorable prit bientôt les proportions de la légende, et la réputation d'Erasistrate comme praticien fut sans égale. Sur le retour de l'âge, il renonça à la pratique pour la théorie, et se livra aux recherches anatomiques ; il observa les vaisseaux lactés du chyle sur des chèvres sacrifices peu de temps après avoir mangé. Il connaissait bien la topographie des centres nerveux, l'origine et la distribution des nerfs. Il fit une étude approfondie du cœur, découvrit les valvules qui existent aux orifices de ce viscéré, il en devina les fonctions et les désigna par les termes descriptifs qui sont encore en usage.

Peut-être eût-il découvert le mécanisme des mouvements du cœur et de la grande circulation, s'il n'eût cru que les veines seules contenaient du sang, et que les artères, suivant lé sens littéral de cette dénomination, ne renfermaient que de l'air. Cet esprit, comme il l'appelait, aspire par les poumons, passait dans le cœur, où les artères le puisaient dans le ventricule gauche pour le distribuer par tout le corps. Égare par cette fausse vue, mettant en antagonisme lé sang et l'esprit qui le renouvelle et le vivifie, Erasistrate, imbu de ce principe d'Aristote, que la nature ne fait rien en vain, considéra les deux réceptacles du cœur, organe doublé, comme étant destinés à recevoir deux choses différentes d'un côté le sang, de l'autre l'air; au lieu de distinguer le sang artériel d'avec le sang veineux, et d'arriver à connaitre la circulation générale par la petite. Il savait pourtant que de toute artère ouverte le sang jaillit vivement mais à cette objection expérimentale contre sa théorie, il répondait simplement que l'air, chassé par l'ouverture de l'artère, était aussitôt remplacé par le sang des veines voisines ; ce qui laisse présumer qu'i) n'ignorait pas l'anastomose ou communication des radicules artérielles et veineuses, mais qu'il ne sut pas conclure de l'anatomie à la physiologie, d'après la dissection des artères et des veines. On peut s'en étonner d'autant plus, qu'au rebours d'Hérophile, qui attribuait les maladies à l'altération des humeurs, Erasistrate n'admettait que l'altération des parties solides. Aussi proscrivait-il absolument les évacuations de toute espèce, las purgatifs et la saignée, tout en reconnaissant la pléthore comme cause de plusieurs maladies.

Comme Hérophile, il détestait l'abus et la multiplicité des remèdes, donnant la préférence aux médicaments les plus simples, employant de préférence la diète rigoureuse, le régime, l'exercice; les lotions, les frictions et les bains, en un mot, tous les moyens de l'hygiène.

Tels furent les deux grands luminaires de l'école alexandrine. Leur influence se perpétua durant des siècles. Strabon d'Amasée, le profond géographe, qui florissait sous l'empereur Auguste, raconte qu'un collège renommé de médecins hérophiléens existait en Phrygie, non loin de Laodicée, et qu'une génération avant la sienne, la ville de Smyrne possédait encore une école médicale professant les doctrines d'Érasistrate.

Les esprits du commun ne pouvaient suivre la haute volée de ces hommes de génie~ Le vulgaire des praticiens eut peur de ces théories subtiles et transcendantes. L'art de guérir, jusqu'alors indivis, se partagea en trois branches: la diététique, la pharmaceutique et la chirurgie. A la première se rattachent les médecins philosophes, investigateurs des causes, partisans de l'observation scientifique et de l'expérience raisonnée à la seconde, les empiriques ou guérisseurs, ennemis du raisonnement ou de la théorie; dont le chef fut Sérapion, suivi par Apollonius, Glaucias et Héraclide de Tarente, et tous ceux qui, avec eux, réduisaient l'art médical à la pratique.

D’après histoire de la médecine de J. –M. Guardia

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