De toutes les séreuses viscérales, le péritoine est la plus vaste et la plus complexe. Sa disposition générale est la même que celle du péricarde, de la plèvre, etc., mais, au lieu d’être en rapport avec un seul organe, la séreuse péritonéale répond à une multitude de viscères.

Les uns sont fixes, les autres mobiles et flottants ; les uns sont volumineux, les autres petits ; les uns sont enveloppés presque entièrement par la séreuse, les autres n’en sont revêtus que sur une de leurs faces. Malgré cette complexité, la disposition générale du péritoine est la même partout, et diverses comparaisons permettent de s’en faire rapidement une idée exacte.

La conception de Bichat, fort ancienne (1802), consiste à imaginer le péritoine comme un sac primitivement clos de toutes parts, et revêtant la cavité abdominale sup-

Disposition générale du péritoine, conception de Bichat.

A, cavité péritonéale. — B, développement d’un viscère. — C, pédiculisation. Formation du méso.

1, péritoine pariétal. — 1', péritoine viscéral. — 2, cavité péritonéale. — 3, viscère. — 4, méso-péritonéal.

posée vide de tout viscère. Les viscères, en se développant, pénètrent dans la cavité abdominale, ils se coiffent du péritoine qu’ils soulèvent et qui les entoure d’autant plus complètement qu’ils se pédiculisent davantage. Le péritoine tapisse de la sorte toute la surface de certains viscères, sauf la zone par où les vaisseaux venus de la paroi dorsale les abordent. A ce niveau, le péritoine entoure le pédicule vasculaire comme le collet d’une bourse enserre la main qui y plonge, et il y'a continuité entre la membrane séreuse qui couvre la paroi et celle qui enveloppe le viscère. D’autres viscères se contentent de soulever plus ou moins fortement le péritoine, ils s’en coiffent partiellement sans se pédiculiser à l’intérieur du sac ainsi constitué. Selon l’expression de Bichat, « chaque organe abdominal se comporte, vis-à-vis du sac péritonéal primitif, comme une tête s'enfonçant plus ou moins dans un bonnet de coton ».

Cette conception est commode pour la compréhension du péritoine, mais elle ne correspond pas à la réalité : les organes ne se développent pas en se glissant sous le sac péritonéal primitif et en s’en coiffant : cette notion du glissement n’a que le mérite de la simplicité et de la facilité d’enseignement.

On peut encore se représenter commodément le péritoine à la manière d’un vernis souple qui revêt paroi abdominale et viscères. Figurons-nous un instant que l’abdomen soit dépourvu de séreuse et qu’il renferme néanmoins tous ses viscères, chacun d’eux occupant la position que nous lui connaissons, chacun d’eux se trouvant rattaché à la paroi abdominale soit par des ligaments conjonctifs ou musculaires, soit par des vaisseaux artériels et veineux. Supposons maintenant qu’une main, armée d’un pinceau, pénètre dans cette cavité et recouvre d’un vernis toutes les parties qui s’offriront à elle : les parois abdominales, la partie de la surface extérieure des viscères qui sera libre dans la cavité, les pédicules ligamenteux et vasculaires qui s’étendent de viscère à viscère, et de viscère à paroi. Nous aurons ainsi, l’opération une fois terminée, une couche de vernis continue, revêtant par sa surface extérieure les parois abdominales et les viscères avec leurs pédicules, délimitant par sa surface intérieure une cavité parfaitement close. Cette couche de vernis, mince et transparente, que l’on peut facilement se représenter comme étant une membrane, est l’image du péritoine.

Cette manière de concevoir les choses n’est pas plus exacte au fond que celle de Bichat : elle ne constitue elle aussi qu’une façon de se représenter le péritoine, non d’expliquer son développement. En réalité, le développement du péritoine, comme nous le verrons plus loin, marche de pair avec celui des organes qu’il contient : il ne le précède pas, comme dans la conception de Bichat, il ne le suit pas davantage, comme dans l’explication ingénieuse du vernis, imaginée par Farabeuf et Ranvier.

C’est pourquoi, de même qu’il nous a fallu parler sans cesse du péritoine en étudiant les viscères abdominaux, de même il nous faudra faire allusion à Plaints détails morphologiques de ces viscères en décrivant le péritoine.

Définitions.

Comme le mathématicien au début d’un livre de géométrie, l’anatomiste doit poser, au commencement d’une étude sur le péritoine, un certain nombre de définitions ; la complexité du péritoine est faite par la combinaison d’éléments assez simples qu’il faut d’abord définir : les feuillets, les lames, les mésos, les ligaments, les épiploons, les replis, les faux, les fossettes, les culs-de-sac, les bourses, les diverticules, etc. Cette nomenclature n’est malheureusement pas toujours respectée par la tradition anatomique, et ce fait regrettable est une source de confusion que nous signalerons au passage.

Feuillets

Bien que partout continue à elle-même, la membrane péritonéale présente dès l’abord deux portions apparemment distinctes : l’une pariétale qui tapisse les parois de la cavité abdomino-pelvienne, l’autre viscérale qui s’étale sur la surface extérieure des viscères.

Ces deux portions sont désignées la première sous le nom de feuillet pariétal, la seconde sous le nom de feuillet viscéral. La cavité péritonéale est comprise entre ces deux feuillets. Cette distinction est un peu artificielle : certains organes, tels que le rein, dits rétro-péritonéaux, sont plaqués contre la paroi abdominale postérieure, et leur surface, pourtant viscérale, est revêtue par le feuillet dit pariétal du péritoine.

Il est important de noter le degré d'adhérence de ces feuillets 'péritonéaux aux formations qui en sont tapissées. Le feuillet pariétal est doublé d’une couche conjonctive qui le rend presque partout décollable. On peut ainsi inciser en nombre de points la paroi abdominale jusqu’au péritoine pariétal exclusivement, décoller sans l’ouvrir le sac péritonéal et le repousser ainsi que les organes qu’il contient pour aborder chirurgicalement tel ou tel organe situé près du péritoine, mais hors de lui (voie d’abord para-péritonéale du rein, de l’uretère, etc.).

De même le feuillet viscéral est, en certains points, décollable avec facilité des organes qu’il entoure : d’où le principe de l'extirpation, partiellement ou totalement, « sous-séreuse » de ces organes (appendice, vésicule biliaire, etc.). L’inflammation, qui épaissit ce feuillet viscéral, facilite en général ce décollement..

Schéma d'un organe sous-péritonéal.

1, péritoine pariétal. — 1', péritoine pré-viscéral. — 2, cavité péritonéale. — 3, viscère.

2° Lames. — On désigne ainsi une aire quelconque de la surface péritonéale. Une lame péritonéale n’est souvent simple qu’en apparence ; elle est souvent constituée par la superposition, l’accolement intime de deux ou même plusieurs feuillets péritonéaux élémentaires. Pareille formation porte encore le nom de fascia.

L’embryologie seule permet de comprendre leur constitution (voy. Processus généraux d'évolution du péritoine). Les feuillets constitutifs d’une lame ou d’un fascia sont parfois complètement fusionnés et pratiquement inséparables par la dissection ; d’autres fois, un plan de moindre résistance, formé de tissu conjonctif moins dense, les unit ; on dit qu’il y'a entre elles un plan de clivage, et l’on peut par la dissection les séparer ; cette notion a une importance considérable en chirurgie abdominale.

Schéma d’un méso et d’un épiploon.

1, péritoine pariétal. — 1', péritoine viscéral. — 2, cavité péritonéale. — 3, 3', viscères. — 4, mé90. — 5, épiploon.

Mésos

Le péritoine pariétal se réfléchit sur le péritoine de certains viscères, notamment sur le péritoine du tube digestif, en enveloppant les vaisseaux et les nerfs qui se rendent à ces organes. Ces organes paraissent ainsi accrochés à la paroi par une lame plus ou moins épaisse qui contient entre ses deux feuillets les pédicules vasculaires : ce dispositif péritonéal porte le nom de méso (du grec ; qui est au milieu). Pour distinguer ces formations les unes des autres, on ajoute au préfixe « méso » le nom de l’organe auquel il se rend : mésentère, mésocôlon transverse, mésocôlon pelvien, méso-appendice, etc.

Épiploons

Semblables formations enveloppent parfois un pédicule vasculaire se rendant d’un organe à un autre, librement à l’intérieur de la cavité péritonéale : ce sont les épiploons (du grec, je flotte). Ce nom d’épiploon est réservé à de larges membranes qui unissent l’estomac au foie (épiploon gastro-hépatique ou petit épiploon) ; l’estomac au côlon transverse ( épiploon gastro-colique ou grand épiploon) ; l’estomac à la rate ( épiploon g astro-splénique) et la rate au pancréas ( épiploon paner éatico-splénique). Cette disposition qui fait converger sur l’estomac trois épiploons sur quatre est particulièrement remarquable et nous fait entrevoir la complexité que présentera dans cette région la description du péritoine.

Ligaments

Certains replis séreux, certaines lames réunissent les organes abdominaux soit entre eux, soit aux parois abdominales sans contenir de pédicule vasculaire

Ligament pariéto-viscéral.

1. péritoine. — 2, viscères. — 3, paroi. — 4, ligament pariéto-viscéral.

Ligament inter-viscéral.

1, péritoine. — 2, 2', viscères. — 3, ligament inter-viscéral.

essentiel. On les appelle des ligaments : ligaments pariéto--viscéraux, tels qui les ligaments du foie, de l’utérus, les ligaments pariéto-coliques, etc. ; ligaments inter-viscéraux tels que les ligaments duodéno-colique, duodéno-rénal, cholécysto-duodénal, etc.

Parmi ces formations, certaines sont absolument constantes : ce sont celles qui sont en rapport avec une formation vasculaire atrophiée (ligament rond du foie) ou avec la fixation d’un organe (ligaments suspenseurs) ; certaines sont soulevées par un vaisseau et comprennent dans leur bord libre le vaisseau en question : leur forme très spéciale leur fait donner le nom de faux (faux de ' l’hépatique, faux de la coronaire). D’autres de ces formations sont inconstantes ou du moins très variables dans leurs formes et leurs dimensions : elles résultent du soulèvement et de la traction plus ou moins marquée du péritoine par un organe voisin de la paroi, ou par deux viscères voisins l’un de l’autre : ce sont les plis ou replis, et on ne leur donne que par une extension un peu abusive du sens primitif le nom de ligaments.

Diverticules et culs-de-sac péritonéaux.

1, péritoine pariétal. — 1', péritoine pré-viscéral. — 2, cavité péritonéale. — 3, 3', viscères. — 4, cul-de-sac péritonéal. — 5, 5, diverticules ou recessus péritonéaux.

Culs-de-sac, fossettes, gouttières, bourses, diverticules, cavités

En certaines régions, la séreuse péritonéale s’enfonce dans des dépressions qu’elle rencontre soit sur la paroi, soit sur les viscères, soit entre les viscères, soit enfin entre les viscères et la paroi ou entre un repli péritonéal et la paroi. Ces différentes dispositions sont désignées en nomenclature anatomique par une série de termes que, malheureusement trop souvent, on tend à employer les uns pour les autres. Les figures auxquelles nous renvoyons nous dispenseront de définitions inutilement compliquées (Cul-de-sac de Douglas ; Fossette inter-sigmoïde ; Gouttière pariéto-colique). De ces dispositifs, le plus complexe est réalisé au niveau de l’immense bourse appelée arrière-cavité des épiploons, vaste sac péritonéal invaginé entre la veine cave et le pédicule hépatique, derrière la face postérieure de l’estomac et jusque dans l’épaisseur et dans l’intervalle des épiploons.

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