Avant d’étudier analytiquement la paroi inférieure de la cavité buccale, il est essentiel de la délimiter, de la définir. Cette définition a donné lieu à de nombreuses discussions

Plancher de la bouche, vu par sa face supérieure.

Du côté gauche, la muqueuse a été enlevée ; du côté droit, la région est vue telle qu’elle se présente lorsque le sujet ouvre la bouche et relève en haut la pointe de la langue.

1, glande sublinguale. — 2, canal de Wharton rendu visible par suite de l’écartement en dehors du bord supérieur de fa glande. — 3, rameaux du nerf lingual. — 4, muscles de la langue. — 5, 5', veine ranine.  6, tissus cellulo-adipeux lâche. — 7, bosselures delà "lande sublinguale soulevant la muqueuse. — 8, orifices des canaux de la glande sublinguale. — 9, orifice du canal de Wharton. — 10, artère sublinguale. — 11, arcades dentaires.

(Malgaigne, Tillaux, Richet). En effet, les parties molles qui séparent la cavité buccale du cou et la ferment sont comprises entre deux arcs osseux, l’un situé en haut et en avant, la branche horizontale du maxillaire supérieur ; l’autre, situé en bas et en arrière, l’os hyoïde. Au milieu de ces parties molles, un muscle large, le mylo-hyoïdien, encerclé dans l’arc mandibulaire et tendu entre les deux arcs, vient établir une séparation entre ce qui appartient au plancher de la bouche proprement dit et au cou, ou, plus précisément, à la région sus-hyoïdienne du cou. C’est le muscle mylo-hyoïdien qui forme le substratum du plancher de la bouche ; il est rattaché anatomiquement et fonctionnellement a la cavité buccale. Les organes situés au-dessus de lui appartiennent a fortiori au plancher buccal. Si la limite inférieure du plancher correspond au mylo-hyoïdien, sa limite supérieure est représentée par la muqueuse buccale. Celle-ci dessine une large gouttière concave en arrière qui entoure, comme un fer à cheval, la base de la langue. Depuis Richet, il est admis que la base de la langue, et plus particulièrement le muscle hyo-glosse, sert de limite postérieure au plancher de la bouche. Elle n’en fait donc pas partie, comme le voulait encore Tillaux.

Les deux mylo-hyoïdiens, vus en place par leur face supérieure.

1, maxillaire inférieur avec 1’ sa branche montante — 2, condyle. — 3, apophyse coronoïde. —4, os hyoïde — 5, muscle mylo-hyoïdien. 6, raphé utilisant les deux muscles. — 7, 7’ génio-hyoïdien — 8, génio-glosse —— 9, temporal. — 10, ptérygoïdien externe— 11, ptérygoïdien interne —12, artère et nerf dentaire inférieurs.

Examen du plancher sur le vivant

Si l’on fait ouvrir la bouche d’un sujet, on s’aperçoit que la plus grande partie de sa paroi inférieure est occupée par la face dorsale de la langue. Celle-ci s encadre dans la courbe de l’arc mandibulaire ; mais, si l’on saisit la pointe de la langue et qu’on la soulève, on dégage au-dessous de la langue une petite région, à laquelle on donne le nom légitime de région sublinguale (figure, côté gauche).

Deux parties bien différentes se révèlent ainsi dans cet examen du plancher sans dissection préalable. La dissection nous fera connaître leur constitution. Nous étudierons donc dans le plancher de la bouche : le mylo-hyoïdien, la région sublinguale et les rapports du plancher de la bouche.

Mylo-hyoïdien

Le mylo-hyoïdien constitue la paroi inférieure du plancher. Nous l’avons décrit en détail précédement, nous n’y reviendrons pas. Rappelons que, tendu entre les deux lignes obliques internes du maxillaire, il constitue une sorte de hamac contractile, de profondeur variable suivant les déplacements du maxillaire et de l'os hyoïde (mastication et déglutition). Cette sangle est complétée et renforcée en arrière par l'hyo-glosse et, en avant et au-dessus, par les deux muscles génio-hyoïdiens. Formation fondamentale de la région, elle donne au plancher sa physionomie et sa fonction.

Région sublinguale ou portion libre du plancher de la bouche.

Nous avons déjà dit que, lorsqu’on examine le plancher buccal, on aperçoit tout d’abord la face dorsale de la langue. Mais, si l’on saisit la pointe de la langue et qu’on la porte en haut, on voit que la face inférieure repose normalement sur une surface de forme triangulaire, étendue depuis les gencives jusqu’à la base de la langue : c’est la région sublinguale ou portion libre du plancher de la bouche. Son sommet, dirigé en avant, est placé immédiatement en arrière des incisives ; la base du triangle, incurvée en arrière, répond exactement à la partie la plus reculée de la face inférieure de la langue ; ses deux côtés sont délimités, à droite et à gauche, par les arcades dentaires. En profondeur, la région sublinguale s’étend jusqu’au muscle mylo-hyoïdien, qui le sépare de la région sus-hyoïdienne.

La loge sublinguale vue sur une coupe frontale de la face passant par la deuxième prémolaire (T. -J.).

1, vestibule buccal. — 2, joue. —2', muscle buccinateur. — 3, sillon gingivo-jugal inférieur. —3', sillon gingivo-jugal supérieur. — 4, bord alvéolaire du maxillaire supérieur. — 5, bouche proprement dite. — 6, langue. — 7, corps du maxillaire inférieur. — 8, glande sublinguale. — 9, sinus maxillaire. — 10, fosse nasale. — 11, canal de Wharton. — 12, artère sublinguale. — 13, muscle hyoglosse. — 14, tissu cellulo-graisseux.

Le triangle sublingual est recouvert par la muqueuse buccale, lisse et rosée, au travers de laquelle transparaissent les veines ranines. Sur la ligne médiane,

L’espace sublingual, vu sur une coupe sagittale de la région, la langue étant en place (sujet congelé, segment gauche de la coupe).

1, maxillaire inférieur. — 2, première incisive inférieure — 3, muscle génio-hyoïdien. — 4, muscle génio-glosse — 5, muqueuse linguale. — 6, espace sublingual de forme triangulaire, comblé par du tissu cellulaire’ lâche. — 7, pointe de la langue.

Le même, après dissection de l’espace sublingual, la muqueuse étant soulevée et lo muscle génio-glosse fortement écarté en arrière.

1, maxillaire inférieur. — 2, première incisive inférieure — 3, muscle génio-hyoïdien. — 4, muscle génio-glosse — 5, muqueuse linguale. — 6, espace sublingual, dont, le tissu cellulaire a été soigneusement enlevé — 7, glande sublinguale, avec : 8, ses canaux excréteurs — 9, rameau de l’artère linguale se rendant à la glandé.  10, canal de Warthon.

un repli muqueux relie la face inférieure de la langue au plancher de la bouche : c’est le frein ou filet. De chaque côté du frein et à la partie postérieure de la région se dresse un petit tubercule, percé à son sommet d’un orifice arrondi, Y ostium ombilicale, embouchure du canal de Wharton (9) ; un peu en dehors et en arrière de ce tubercule se voient des orifices plus petits ; ce sont les canaux excréteurs de la glande sublinguale.

Enfin, entre ces orifices glandulaires et les arcades dentaires, la muqueuse du plancher

Plancher de la bouche, vu par sa face latérale gauche (T.-J.).

La branche horizontale du maxillaire inférieur a été réséquée du côté gauche.

A, A', les tranches de section du maxillaire. — B, masséter. — C, ventre antérieur du digastrique. — D mylo-hyoïdien (ses attaches, antérieure et postérieure, sont conservées.) — 1, glande sublinguale. — 2, partie supérieure de la glande sous-maxillaire. — 2', son prolongement antérieur, chevauchant le bord postérieur du mylo-hyoïdien pour pénétrer dans la loge sublinguale. — 3, canal de Wharton représenté en pointillé (il est caché sous la face interne de la glande sublinguale). 4, son orifice. — 5, 5', ganglions lymphatiques de la loge sous-maxillaire. — 6, 6', 6* artère faciale. — 7, artère sous-mentale. — 8, rameau qu’elle fournit à la glande sublinguale. — 9, artère ranine — 10 10'* veines faciales. — 10', 10', veine faciale surnuméraire. — 11, vaisseaux et nerf dentaires inférieurs. — 12, veine ranine — 13, nerf lingual, avec : 13', ses ramifications linguales. — 14, canal de Sténon reposant sur le muscle masséter.’ — 15, orifices des canaux sublinguaux. — 16, repli muqueux gingivo-lingual.

est soulevée par les bosselures des glandes sublinguales on deux saillies de forme ovoïde, les caroncules sublinguales.

Si l’on enlève la muqueuse, la glande sublinguale et les organes vasculaires et nerveux qui l'accompagnent, on constate un espace qui sépare la base de la langue de la face interne du maxillaire. On donne à cet espace le nom de loge sublinguale. Quelles sont ses limites et sa constitution ?

Une coupe frontale de la région passant par la deuxième prémolaire nous montre que l’espace est limité par quatre parois : une paroi antéro-externe constituée par le segment de la branche horizontale du maxillaire situé au-dessus de la ligne mylo-hyoïdienne. On constate à ce niveau la dépression répondant à la glande sublinguale, la fossette sublinguale ; une paroi postéro-interne, constituée en avant par l’éventail du muscle génio-glosse, en bas par les fibres du génio-hyoïdien, en arrière par celles do l’hyo-glosse. Cette paroi est incomplète ; il existe, en effet, un espace entre la muqueuse buccale et la courbe des fibres du génio-glosse qui se portent de la pointe de la langue aux apophyses géni, en décrivant une courbe plus basse que celle décrite par la muqueuse ; une paroi supérieure, formée par la muqueuse buccale ; une paroi inferieure, formée par la face supérieure du mylo-hyoïdien.

Cet espace communique tout d’abord :

  1. avec celui du côté opposé par l’intervalle compris entre la muqueuse et les fibres du génio-glosse, en avant de la région ;
  2. en arrière du bord postérieur du mylo-hyoïdien, avec la loge sous-maxillaire. Nous y reviendrons plus loin.

 

Plancher de la bouche. Vue latérale droite. L’arcade alvéolaire droite a été réséquée partiellement, la muqueuse bucco-linguale est enlevée.

L, langue.  Mx, maxillaire inférieur.  1, glande sublinguale. – 2, nerf lingual. – 3, canal de Wharton.

Les organes contenus dans cet espace sont nombreux. Ils comprennent : la glande sublinguale, le prolongement antérieur de la glande sous-maxillaire, le canal de Warthon, l’artère et la veine sublinguales, le nerf lingual, le nerf grand hypoglosse, tous ces organes étant contenus dans le tissu cellulo-adipeux.

Glande sublinguale

Cette glande, que nous décrirons plus tard, avec les glandes salivaires, est la plus petite d’entre elles. Ovale, allongée parallèlement a l'os son extrémité antérieure arrive, derrière la symphyse du menton, au contact de celle du côté opposé. Une série de canaux émanés des glandules s’ouvrent au niveau e a muqueuse buccale ; le plus volumineux d’entre eux, le canal de Rivinus, débouche un peu en arrière et à côté du canal de Wharton.

Prolongement antérieur de la glande sous-maxillaire

Le prolongement antérieur de la glande sous-maxillaire s’engage dans l’espace sublingual. En forme de cône, il suit le trajet du canal de Wharton, en dedans des glandules sublinguales.

Canal de Wharton

Le canal excréteur de la glande sous-maxillaire suit la face interne de la glande sublinguale, près de son bord supérieur. Sa largeur est de 2 à 3 millimètres ; sa longueur est de 4 à 5 centimètres. Il a l’aspect d’une veine exsangue. Pour le voir, il faut relever la partie antérieure de la glande sous-maxillaire. On aperçoit le lingual et ses rapports avec le canal de Wharton.

Le plancher de la bouche. Vue latérale droite. L’arcade alvéolaire droite a été réséquée partiellement. Même figure que la précédente. La glande sublinguale a été enlevée.

L, langue. — Max., maxillaire inférieur. — 1, muscle mylo-hyoïdien. — 2, muscle génio-glosse. — 3, canal de Wharton. — 4, son orifice. — 4', orifice du canal du côté opposé. — 5, nerf lingual. — 6, artériole provenant de la sous-mentale.

Artère et veine sublinguales

Ces vaisseaux vascularisent la région. Ils sont situés sur la face interne de la glande, au-dessous du canal de Wharton. L’artère venue de la linguale a un calibre de 2 millimètres environ et s’anastomose avec la sous-mentale, branche de la faciale.

Nerf lingual

Le nerf lingual arrive dans la loge au niveau de la dernière grosse molaire. C’est à ce niveau qu’on le recherche si on veut le sectionner pour la voie intra-buccale (Létiévant). Il est d’abord situé au-dessus du canal de Wharton, puis il passe en dehors, et enfin au-dessous de lui. Il se termine dans la glande et la muqueuse du plancher et de la langue.

Nerf grand hypoglosse

Le nerf grand hypoglosse longe lui aussi le canal de Wharton, d’arrière en avant, mais de haut en bas ; il n’atteint que la limite postérieure de l’espace. Il envoie au nerf lingual une ou deux anastomoses à ce niveau (5). Comme on le voit, le nerf lingual et le grand hypoglosse décrivent un angle à sinus ouvert en arrière dont la bissectrice est représentée par le canal de Wharton.

Couche de tissu cellulo-adipeux

g. Les organes précédents sont entourés d’une couche de tissu cellulo-adipeux, lâche surtout en dedans en raison de la grande mobilité de la glande. La présence à ce niveau d’une ou plusieurs bourses séreuses (bourse de Fleischmann), longuement controversée, doit être considérée comme exceptionnelle. C’est dans ce tissu lâche que se développe le phlegmon gangreneux du plancher de la bouche (Gensoul), très improprement baptisé angine de Ludwig et dont la gravité est extrême.

La région sublinguale est facilement explorée par la cavité buccale. On l'aborde en chirurgie soit par la cavité buccale, soit au travers de la région sus-hyoïdienne : on est obligé, si l’on emprunte cette voie, d’effondrer le muscle mylo-hyoïdien pour pénétrer dans le plancher.

La région de la glande sous-maxillaire et la partie postérieure du plancher de la bouche.

Max., maxillaire. — Par., parotide. — Hy., Os hyoïde — Myl. Hy., mylo-hyoïdien dont le bord postérieur est échancré.

1, glande sous-maxillaire. — 1’, son prolongement antérieur. —2, artère faciale dont la crosse et l’origine sont haut situés. —4, 4, grand hypoglosse réuni par une anastomose à, 5, nerf lingual. — 6, ganglion sous-maxillaire. — 7, plexus sympathique entourant la faciale. — 8, filet destiné à la glande sous-maxillaire. —— 9, 9, les deux ventres du digastrique. — 10, stylo-hyoïdien. —11, masséter. — 12, veine jugulaire externe. — 13, veine ranine passant au-dessus et plus superficiellement que l’artère linguale. 14, carotide primitive.  15, carot.de interne.  16, carotide externe. — 17, thyroïdienne supérieure.

Rapports du plancher de la bouche

Ils sont supérieurs, inférieurs, antéro-externes, postérieurs.

Rapports supérieurs

La muqueuse buccale, seulement perforée par les orifices des conduits salivaires, isole complètement le plancher de la cavité buccale par laquelle il est aisé de l’explorer, entre la saillie de la langue et le rebord gingival.

Rapports inférieurs

La cloison musculaire du mylo-hyoïdien, renforcée sur la ligne médiane par les muscles génio-hyoïdiens, sépare le plancher de la région sus-hyoïdienne médiane. Les terminaisons des ventres antérieurs des muscles digastriques se dessinent sous les téguments et embrassent une région triangulaire où se placent les ganglions sous-mentaux. Les communications de tissu cellulaire sont nombreuses entre les deux régions, permettant à l’œdème dû à l’infection de franchir la barrière mylo-hyoïdienne.

Rapports antéro-externes

Lorsqu’on examine la face interne de la branche horizontale du maxillaire inférieur, on constate que la ligne oblique interne séparé les fossettes sublinguale et sous-maxillaire. Fixé sur cette ligne, le mylo-hyoïdien séparé ainsi le plancher de la bouche de la loge sous-maxillaire qui se trouve en avant et en dehors de lui. La glande sous-maxillaire s’insinue entre la face interne de l’os et le muscle après avoir contourné le bord inférieur de la branche horizontale. Ces rapports entre les deux régions sont d’autant plus intimes que l’on se trouve plus en arrière, puisque, au bord postérieur du mylo-hyoïdien, elles communiquent largement entre elles.

Rapports postérieurs

Ils sont différents latéralement et près de la ligne médiane. En effet, le plancher buccal est bloqué en arrière par la base de la langue, solidement amarrée à l’os hyoïde sous-jacent. Deux muscles s’y attachent : l’hyo-glosse en dehors, le lingual inférieur en dedans. Situé en dedans du mylo-hyoïdien, le muscle hyo-glosse dessine avec lui une fente verticale qui s’ouvre en avant dans le plancher et en arrière dans la région sous-maxillaire. C’est par elle que les deux régions communiquent, et c’est là que pénètrent le prolongement interne de la glande sous-maxillaire, le canal de Wharton et le nerf grand hypoglosse. Ainsi s’établit une large communication entre le plancher buccal et la région sus-hyoïdienne latérale qui conduit en arrière à la région carotidienne.

Entre le muscle hyo-glosse et le muscle lingual inférieur, dans la masse même de la langue, un interstice livre passage à l'artère linguale. Celle-ci n’appartient pas au plancher buccal, mais elle y détache l’artère sublinguale, branche elle-même de l’artère ranine.

Sur la ligne médiane, la membrane hyo-glossienne semble dresser une barrière solide entre le plancher buccal et l’oropharynx, situé plus en arrière. Cette barrière existe en effet, mais elle n’empêche pas les communications du tissu cellulaire du plancher buccal avec celui de la petite région thyro-glosso-épiglottique. Triangulaire, limitée en bas par la membrane thyrohyoïdienne, en arrière par l’épiglotte, et en haut par la base de la langue, elle pousse sur les côtés des prolongements qui l’amènent, en contournant la langue par derrière, à communiquer largement avec la gouttière sublinguale. Ainsi s’explique, par refoulement de l’épiglotte, la dyspnée si intense des phlegmons du plancher buccal (Picque et Poirier).

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