L'artère pulmonaire nous offre chez le fœtus une disposition spéciale, en raison des relations intimes qu’elle présente avec le canal artériel et, par l'intermédiaire de celui-ci, avec l’aorte thoracique.

Pour comprendre ces rapports, il est nécessaire d’avoir présent à l’esprit le mode de distribution des artères sus-cardiaques au début de leur développement.

Simple aperçu embryologique.

Chez l’embryon, ces artères sus-cardiaques forment une double série d’arcs ou de crosses (ares aortiques) qui, partant du tronc artériel, se réunissent dans l’aorte descendante. Il y a de charpie côté six paires d’arcs aortiques superposés, que l'on numérote de I à VI en allant de haut en bas. La plupart de ces arcs disparaissent, en partie tout au moins, et chez le fœtus, à un certain stade de son développement, il n'en reste plus que quatre, deux à droite et deux à gauche.

Les arcs aortiques : disposition primitive.

I, II. III, IV, V, VI, premier, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième arcs aortiques droits et gauches. — 1, tronc artériel. — 2, aorte ascendante droite. — 2', aorte ascendante gauche. — 3, aorte descendante droite.  3', aorte descendante gauche. — 4, artère carotide interne droite. — 4', artère carotide interne gauche. — 5, artère carotide externe droite. — 5', artère carotide externe gauche. — 6, artère sous-clavière droite. — 6', artère sous-clavière gauche. — 7, artère pulmonaire primitive droite. — 7', artère pulmonaire primitive gauche.  8, tronc résultant de la fusion des deux aortes descendantes.

Les arcs aortiques : disposition définitive.

I, II, III, IV, V, VI, premier, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième, arcs aortiques. — 1, aorte. — 2, tronc de l’artère pulmonaire.  3, artère pulmonaire droite. — 3', artère pulmonaire gauche. — 4, canal artériel. — 5, crosse de l’aorte. — t>, tronc artériel brachio-céphalique. — 7, 7, artère sous-clavière droite. — 7', artère sous-clavière gauche. — 8, carotide primitive droite.— 8', carotide primitive gauche. — 9, carotide interne droite. — 9', carotide interne gauche. — 10, carotide externe droite. — 10', carotide externe gauche. — 11, aorte descendante.

Occupons-nous seulement du dernier, qui représente le sixième de la série. Sur le trajet de ce sixième arc, naissent deux petits troncs, l’un à droite, l’autre à gauche, qui se dirigent chacun vers le poumon correspondant et qui représentent : à droite, Y art ère pulmonaire droite primitive ; à gauche, Y artère pulmonaire gauche primitive. Leur point d’émergence divise notre sixième arc en deux portions, l'une interne ou proximale, l’autre externe ou distale.

Pour le sixième arc du côté droit, la paroi proximale (celle située en dedans de l'émergence de l’artère pulmonaire primitive droite) formera la portion initiale de l’artère pulmonaire droite de l'adulte. La portion distale (celle qui est située en dehors de l’émergence de l’artère pulmonaire droite primitive) disparaît.

Pour le sixième arc du côté gauche, la portion proximale est tout entière englobée par le tronc artériel qui, en se cloisonnant, formera 1 aorte ascendante d’une part, le tronc de P artère pulmonaire d’autre part. Quant à la portion distale, elle persiste (elle est teintée en violet dans les figures suivantes), et c’est elle qui constitue le canal artériel ou conduit de Botal.

Cœur du fœtus, vue antérieure (l’auricule droite est érignée en haut).

Le même, après ouverture longitudinale des cavités gauches.

1. auricule droite. — 2, ventricule droit. — 3, veine cave supérieure. — 4, orifice aortique. — 4', crosse de l’aorte. — 4", aorte descendante. — 5, tronc brachio-céphalique. — 6, artère carotide gauche. — 7, artère sous-clavière gauche. — 8, veines pulmonaires gauches. — 8', veines pulmonaires droites. — 9, artère pulmonaire. — 9' 9', branches de l’artère pulmonaire. — 10, canal artériel. — 11, artères et veines coronaires. — 12, auricule gauche. — 13, ventricule gauche. — 13', cavité ventriculaire gauche. — 14, trou de Bot al. — 15, valvule mitrale. — 16, ses cordelettes tendineuses. — 16', ses piliers charnus. — 17, coupe de la paroi ventriculaire gauche. — 18, coupe de la paroi auriculaire gauche.

Comme on le voit, le canal artériel n’est autre, embryologiquement, que la partie externe ou distale du sixième arc aortique gauche : il fait suite au tronc de l’artère pulmonaire et fait communiquer celui-ci avec l’aorte.

Trajet et dimensions du canal artériel

Continuant la direction de la pulmonaire, à laquelle il fait suite, le canal artériel se porte obliquement d’avant en arrière et de droite à gauche, et vient s’ouvrir à la terminaison de la crosse aortique. Il mesure, en moyenne, de 10 à 12 millimètres de longueur : Gérard, sur 100 sujets examinés, a trouvé des minima do 4 millimètres et des maxima de 20 millimètres. Son diamètre, sur

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le fœtus à terme, mesure de 4 à 5 millimètres à sa partie moyenne, 6 ou 7 millimètres à ses extrémités : le canal artériel n’est donc pas exactement cylindrique, mais légèrement évasé à chacune de ses extrémités. Les orifices par lesquels il s’ouvre dans la pulmonaire et dans l’aorte sont arrondis ou plus ou moins ovalaires. Du reste, il est partout librement perméable et ne présente aucune trace de valvules, pas plus à ses extrémités qu'à sa 2 partie moyenne.

Ses rapports

Le canal artériel est, dans toute son étendue, extra-péricardique. — Il est en rapport :

  1. en avant, avec les filets cardiaques du pneumogastrique et avec des ganglions lymphatiques ;
  2. en arrière, avec la bronche gauche et avec le récurrent du même côté ;
  3. à droite, avec la crosse aortique ;
  4. à gauche, avec la plèvre médiastine gauche, avec le pneumogastrique et avec le récurrent, qui contourne son bord gauche de dehors en dedans et de bas en haut.

Projeté sur les deux parois thoraciques antérieure et postérieure, le canal artériel correspond sur la postérieure à la sixième côte, sur l’antérieure au deuxième espace intercostal gauche, tout contre le bord du sternum.

Sa structure

Gérard, à qui nous devons une excellente étude du canal artériel, le rattache au type des artères musculaires et donne de sa structure la description suivante. Il possède, comme les artères, trois tuniques, interne, moyenne et externe.

La tunique interne comprend :

  1. l’endothélium ordinaire aux vaisseaux artériels ;
  2. une couche conjonctive élastique, dont les éléments sont disposés en strates et sur la surface interne de laquelle est appliqué l’endothélium.

La tunique moyenne se compose :

  1. de la vitrée ou lame élastique interne ;
  2. de nombreuses couches de fibres musculaires lisses. Ces fibres musculaires, disposées circulairement, forment des faisceaux séparés les uns des autres par des faisceaux de fibres conjonctives et élastiques. A la périphérie, les éléments conjonctivo-élastiques se condensent de façon à constituer une sorte de limitante externe qui sépare la tunique moyenne de la tunique externe.

La tunique externe ou adventice est essentiellement constituée par des faisceaux ondulés de fibres conjonctives, qui se confondent insensiblement, à la périphérie de la tunique, avec le tissu cellulaire lâche péri-artériel. Des vaisseaux assez volumineux ( vasa vasorum) circulent dans la partie la plus superficielle de l’adventice.

Oblitération du canal artériel. — Durant la vie intra-utérine, le poumon, ne fonctionnant pas encore en tant qu’organe do l’hématose, n’a nullement besoin de recevoir beaucoup de sang. Aussi les brandies des artères pulmonaires sont tellement réduites dans leurs dimensions que l’on peut les considérer alors comme de simples collatérales du sixième arc aortique gauche, tronc aortique constitué, comme nous l’avons déjà dit plus haut, par le tronc de l’artère pulmonaire et par le canal artériel.

Il résulte d’une pareille disposition anatomique que la presque totalité du sang veineux passe du ventricule droit dans l’aorte et se distribue ultérieurement, intimement mélangé au sang artériel, aux viscères abdomino-pelviens, aux membres inférieurs et aussi et surtout (par les artères ombilicales) au placenta, le véritable organe de l’hématose fœtale.

Immédiatement après la naissance, la respiration pulmonaire succédant à la respiration placentaire, les deux artères pulmonaires droite et gauche atteignent rapidement le développement qui leur est propre. Par contre, le canal artériel, n’ayant plus désormais aucun rôle à jouer, s’affaisse, diminue de calibre et finit même par s’oblitérer. Il s’atrophie de plus en plus et n’est plus représenté, chez l’adulte, que par un simple cordon fibreux, qui s’étend obliquement de la bifurcation de l’artère pulmonaire ou plutôt de l’artère pulmonaire gauche à la face inférieure de la crosse aortique : c’est le ligament artériel, que nous avons déjà signalé ci-dessus et que nous allons décrire dans un instant.

La question de l’oblitération du canal artériel a inspiré de nombreux travaux. Trois points ont principalement attiré l’attention :

  1. la date de l’oblitération ;
  2. le mécanisme de l’oblitération ;
  3. le processus histologique de l’oblitération.

Occlusion

L’occlusion fonctionnelle précède l’occlusion anatomique. L 'occlusion anatomique, l’occlusion vraie, celle qui aboutira à l’oblitération définitive du canal artériel, ne commence que dans les premiers jours de la vie extra-utérine et, d’autre part, s’effectue lentement. Pour Bernutz, l’oblitération se produit dans les quinze premiers jours de la vie extra-utérine, et on devrait considérer comme anormaux les faits dans lesquels le travail d’occlusion ne s’effectue que trois semaines aprè3 la naissance. De son côté, Gérard nous apprend qu’il n’a jamais trouvé le canal artériel occlus à la naissance, non plu3 que dans les dix premiers jours. Alvarenga, qui a examiné plusieurs centaines d’enfants de un jour à douze ans, a constaté à son tour que, chez tous les sujets âgés de moins de trente ans, le canal artériel avait conservé une certaine perméabilité. On peut admettre, en thèse générale (mais ici comme ailleurs on rencontrera des exceptions), que le travail d'oblitération anatomique commence dès les premiers jours qui suivent la naissance et n'est réellement terminé que vers le quarantième ou le cinquantième jour. Les observations faites chez l’homme et chez les animaux (Goubeaux) tendent à établir que ce travail d’oblitération se manifeste d’abord sur le côté du canal artériel qui répond à la pulmonaire, et puis s’étend de proche en proche du côté de l’aorte.

Mode d'oblitération

Lorsque la circulation cardio-pulmonaire s’établit, les deux branches de l’artère pulmonaire acquièrent brusquement un développement considérable et deviennent en réalité

Coupe transversale du canal artériel en grande partie oblitéré, chez un enfant de vingt-deux mois (d’après Gérard.)

1, tunique celluleuse. — 2, tunique musculaire. — 3, lame élastique de l’endartère très hypertrophiée et à peu près régulièrement. — 4, 4', vestiges de la lumière du canal, montrant que l'oblitération ne se fait pas d’un seul bloc par l’accolement et la soudure de toute la surface à la fois de la cavité du canal.

des branches terminales, de simples collatérales qu’elles étaient jusqu’alors. Le canal artériel, de son côté, devient de plus en plus petit par rapport à elles et, d’autre part, il ne se trouve plus placé directement sur le trajet du sang veineux détourné vers les poumons. A ces changements de calibre dus surtout à des différences de pression, qui s’opposent déjà à une facile circulation dans le canal, viennent s’ajouter (Schwanz) des déplacements et des tiraillements de ce canal qui tendent encore à gêner le passage du sang à son intérieur. On peut, en effet, considérer au canal artériel deux extrémités :

  1. une extrémité aortique, maintenue fixe par sa continuité avec l’aorte, fixée elle-même à la paroi postérieure du thorax par du tissu conjonctif et surtout par les intercostales qui naissent à ce niveau ;
  2. une extrémité pulmonaire, située vers le point où le péricarde se réfléchit sur les gros vaisseaux et susceptible de subir des mouvements assez étendus comme les vaisseaux eux-mêmes sur lesquels elle s’insère.

Il résulte de ces mouvements que l’orifice pulmonaire du canal artériel, tiraillé de diverses façons, n’offre pas des conditions convenables pour la pénétration du sang et, comme conséquence, que le canal lui-même se trouve détourné du trajet direct du courant sanguin. Voilà pourquoi il s’affaisse et s’atrophie. Il faut faire intervenir encore la question des pressions intravasculaires ; à la suite de l’établissement de la respiration pulmonaire, en effet, la pression dans l’artère pulmonaire, primitivement supérieure à la pression intra-aortique, devient inférieure à celle-ci, condition qui, on le conçoit, empêche le courant sanguin de la pulmonaire de se diriger vers l’aorte.

Processus histologique de l'oblitération

Histologiquement, l’oblitération du canal artériel qui succède à son affaissement et à son atrophie est due, ainsi que l’a établi Kolliker, à une prolifération conjonctive de la tunique interne de l’artère .(endartère). Par suite de cette prolifération conjonctive, il se forme sur un point quelconque de laparoi vasculaire une saillie qui, s’accroissant sans cesse, s’avance dans la lumière du canal, atteint la paroi opposée et se fusionne avec elle : du canal, il ne reste plus alors, coin me nous le montre nettement la ligure ci-contre, que deux fissures latérales, qui finissent elles-mêmes par disparaître, sur les points au moins où l’oblitération est totale. Gérard incline à penser, mais sans pouvoir en fournir la preuve directe, que l’accolement que nous venons de signaler entre la saillie conjonctive et la paroi opposée «se produit simplement par fusion, puis enchevêtrement de l'endothélium ». 11 suppose, d’autre part, que «la soudure épithéliale sert de pont aux libres conjonctives qui envoient à leur intérieur du véritable tissu cicatriciel ». Ce processus oblitérateur se poursuit jusqu’au milieu ou même jusqu’à la fin de la deuxième année. Une fois terminé, le canal artériel a tous les caractères extérieurs d’une formation conjonctive : il est devenu le ligament artériel, que nous pouvons maintenant décrire.

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