Le muscle peaucier du cou ou Platysma, ainsi nommé par Winslow (subcutaneus colli, platysma myoides de Cooper) occupe la région antérieure et latérale du cou. Par ses extrémités, il s'étend sur la région pectorale et sur la région faciale. C'est un muscle large, très mince, irrégulièrement quadrilatère à grand axe vertical.

 

Il s'insère, d'une part :

  • 1° à la peau de la région pectorale supérieure ou sous-claviculaire et de la région scapulaire deltoïdienne, sur le trajet d'une ligne étendue du deuxième cartilage costal à l'acromion ;
  • 2° par des faisceaux postérieurs inconstants, à l'aponévrose cervicale superficielle, dans les points où elle recouvre, sur le bord externe du cou, le trapèze et le sterno-mastoïdien, et aux aponévroses parotidienne et massétérine ;

d'autre part, à sa partie supérieure:

  • 1° à la base de l'éminence mentonnière, et eu dehors d'elle à la lèvre externe du bord inférieur du maxillaire inférieur, en remontant jusqu'à la ligne oblique externe, sur laquelle il peut s'étendre en partie ;
  • 2° à la peau de la commissure des lèvres et à la peau de la partie inférieure de la joue.

Les insertions inférieures, qui se font sur la poitrine et l'épaule, sont des insertions cutanées ; c'est à tort que quelques auteurs leur attribuent pour points d'attache l'aponévrose thoracique et l'aponévrose deltoïdienne. Elles se font suivant une ligne sinueuse et oblique. Welcker a montré que, sur un sujet vigoureux, elles pouvaient supporter des poids successifs de 5 à 10kg, et que la partie supérieure du muscle se déchirait avant que la partie cutanée fût rompue. Les insertions latérales, échelonnées le long du bord externe, appartiennent à des faisceaux inconstants. Quand elles sont complètes, elles se font en deux échelons ou nappes : une première qui émerge, par des fibres disséminées, du bord externe du cou au niveau du trapèze, de l'angle supérieur du triangle sus-claviculaire, et de la portion moyenne du sterno-mastoïdien ; une deuxième, qui recouvre la portion supérieure de ce dernier muscle, la région parotidienne et une partie de la région massétérine. On admet que toutes ces insertions latérales sont des insertions aponévrotiques, qui se font sur l'aponévrose cervicale ou sur les gaines des muscles ; mais ce point n'est pas définitivement établi, il se pourrait que ce fussent encore des insertions cutanées.
Les insertions supérieures ou faciales se font, elles aussi, suivant deux lignes horizontales échelonnées, une première osseuse, qui comprend le bord maxillaire dans sa moitié antérieure, jusqu'au voisinage du muscle masséter, et coupe la joue eu deux moitiés supérieure et inférieure ; une seconde, cutanée. Nous verrons plus loin que les insertions faciales manquent de netteté. à cause des échanges de fibres musculaires qui se font entre le peaucier et les muscles voisins.
Le peaucier appartient aux muscles verticaux, bien que sa direction générale soit un peu oblique en haut, en avant et en dedans. Son bord antérieur est presque vertical, tandis que le bord postérieur est d'autant plus oblique que les faisceaux musculaires accessoires s'étagent sur une plus grande hauteur. Les faisceaux qui proviennent de la région acromiale et de la partie latérale du cou suivent d'abord un trajet horizontal, puis, arrivés sur le bord externe du muscle, se recourbent pour devenir ascendants; les faisceaux parotidiens sont transversaux sur toute leur longueur ou légèrement ascendants, et peuvent décrire des courbes à concavité supérieure. La masse totale du muscle n'est pas disposée sur un seul plan ; elle se moule sur les inflexions de la poitrine, du cou et de la face: convexe sur la clavicule, le sterno-mastoïdien, le bord maxillaire; concave dans le reste de son étendue. Ses fibres, plates et comme disséminées sur sa partie inférieure, où elles mesurent toute la largeur de la poitrine, se ramassent et se condensent à mesure qu'elles s'élèvent; elles finissent par ne plus occuper en sens diamétral que la longueur du bord maxillaire inférieur. Le peaucier croise en X le sterno-mastoïdien, oblique en bas et en avant. La direction sensiblement longitudinale de ses fibres explique comment on plisse plus facilement la peau du cou dans le sens longitudinal que dans le sens transversal, comment aussi les plaies verticales de cette région tendent à se froncer sur leurs bords, et les plaies horizontales à s'écarter.
Les deux peauciers, convergeant l'un vers l'autre, se rencontrent par leurs bords antérieurs et s'entrecroisent sur la ligne médiane au-dessous du menton (30 fois sur 34, Schmidt).

Rapports

Le peaucier est engainé dans un fascia à deux feuillets que l'on peut à la rigueur considérer comme une émanation du fascia superficialis de la peau et qui en tout cas s'unit avec lui au niveau des insertions thoraciques. Sa face antérieure est en rapport avec la peau. Chez les sujets maigres, dans la région sous-hyoïdienne, la peau, ne présentant qu'une très mince couche adipeuse, semble faire corps avec le platysma, auquel elle est unie par des adhérences, peu serrées d'ailleurs, soit chez l'homme, soit chez les animaux; de là un plan tégumentaire unique, cutanéo-musculaire, que l'on a comparé aux téguments du crâne ; de là aussi les difficultés du froncement transversal de la peau à la région cervicale. Chez les femmes, les enfants, et chez les hommes d'un certain embonpoint, une nappe graisseuse d'épaisseur variable s'interpose entre le muscle et la peau ; car malgré l'assertion de Meckel, aussi bien chez l'homme que chez les animaux, le peaucier est situé sous le pannicule adipeux. Dans la région sus-hyoïdienne, la couche graisseuse sous-cutanée est plus importante, le peaucier devenant plus profond ; je trouve sur une femme obèse, au-dessous du menton une nappe graisseuse de 10mm an-dessus du platysma, et de 20 mm au-dessous ; le double menton est donc produit par la graisse pré- et rétro-musculaire. Dans la région faciale, le peaucier est en partie recouvert par le triangulaire des lèvres et par le risorius qui le croise à angle droit on à angle aigu.
Sa face postérieure, également tapissée par son fascia, couvre une vaste étendue et des régions très différentes, les régions sous-claviculaire, deltoïdienne supérieure, sus-claviculaire, sterno-mastoïdienne, sons-maxillaire, sus-hyoïdienne médiane, la partie inférieure de la joue et quelquefois les régions parotidienne et massétérine. Elle est en rapport avec les aponévroses sous-jacentes, surtout avec l'aponévrose cervicale superficielle, dont elle est séparée par une couche de tissu cellulaire lâche, rarement infiltrée de graisse, permettant le glissement du plan tégumentaire; la mobilité de cet espace sous-musculaire est très grande, comme on peut s'en assurer en saisissant la peau entre les doigts (on saisit toujours en même temps le peaucier) et en la déplaçant ou en la fronçant ; elle permet les vastes ecchymoses et les phlegmons larges du cou. Nous avons indiqué plus haut la couche graisseuse sous-mentale et sous-maxillaire, faisons observer dès maintenant que le peaucier recouvre toute la région sus-claviculaire, mal défendue par une faible aponévrose, et qu'il protège vraisemblablement les veines qui traversent celte aponévrose pour déboucher dans les vaisseaux profonds.
Le bord antérieur rectiligne est la partie la plus épaisse, surtout en haut ; on le voit dans la contraction du muscle se détacher en relief vigoureux. Avec le bord antérieur du côté opposé avec lequel il s'entre-croise, il limite un V ou triangle médian, dont le sommet est à la région sus-hyoïdienne, et la hase à la région sternale ; ce triangle correspond à la région sous-hyoïdienne médiane ; à défaut du peaucier, il est recouvert par une forte aponévrose.
Le bord postérieur, très oblique, est mince et comme perdu dans le tissu cellulaire sous-cutané. Il devient irrégulier quand il existe des faisceaux postérieurs à fibres disséminées qui viennent successivement s'ajouter au muscle. Sur les limites de la face, et hormis le cas où il existe des fibres parotidiennes, le bord postérieur coupe ordinairement l'angle du maxillaire, tantôt le recouvrant, tantôt le laissant à découvert, suivant le volume très variable du muscle.
Le bord supérieur, qui répond à la ligne des insertions faciales, est irrégulièrement découpé. Le bord inférieur est constitué par une série de tendinets, faisant suite aux fibres musculaires ; ceux-ci traversent obliquement le pannicule adipeux du cou qu'ils séparent de celui de la poitrine et vont se terminer dans le derme.
La veine jugulaire antérieure, à son origine cutanée sous-mentale, est d'abord par-dessus le peaucier quand celui-ci présente son plan entrecroisé, puis elle le perfore pour devenir sus-aponévrotique. La veine jugulaire externe est dans toute son étendue sous le peaucier; elle est contenue en haut dans un dédoublement de la gaine du sterno-mastoïdien, plus bas elle rampe sur l'aponévrose sus-claviculaire. Les nerfs du plexus cervical superficiel et les ganglions lymphatiques sont également sous-jacents au platysma.
Les deux portions externe et interne, que nous avons distinguées dans le muscle, sont parfois séparées dans la région sous-maxillaire par un interstice celluleux, qui peut correspondre au passage de l'artère faciale sur la branche horizontale du maxillaire.

Action

L'action du peaucier consiste dans le soulèvement de la peau du cou qui se tend au-devant du sterno-mastoïdien. Ce mouvement s'accompagne d'un plissement longitudinal, dû à la rigidité des fibres musculaires qui se détachent en cordes saillantes, et d'un froncement transversal bien prononcé dans la région sus-hyoïdienne où la mobilité de la peau permet la formation de bourrelets curvilignes. En même temps, les deux insertions du muscle tendant à se rapprocher, la peau de la poitrine s'élève faiblement, et, tandis que le maxillaire inférieur s'écarte à peine de quelques millimètres, on voit la commissure des lèvres s'abaisser d'une manière notable, jusqu'à 2 et 3 centimètres, et découvrir les dents. Les lèvres s'élargissent et se tendent. La partie inférieure de la joue descend à son tour et les narines elles-mêmes sont entraînées par continuité de tissu dans ce mouvement qui attire en bas et en dehors les téguments de la face.
L'action du peaucier se manifeste dans trois circonstances différentes, dans l'effort, dans certaines émotions, dans la mastication ; - 1° Foltz (de Lyon) a le premier indiqué que le peaucier était un muscle de l'effort, qu'en soulevant la peau du cou il produisait la béance des veines sous-jacentes, empêchait par conséquent leur affaissement, favorisait la circulation par appel du sang veineux et contre-balançait la pression atmosphérique. De là, sa mise en jeu dans les grandes inspirations, dans l'effort thoracique, dans le chant, dans le vomissement. Peut-être même est-ce là sa fonction principale, car on ne concevrait pas qu'il est persisté sur une aussi grande étendue, s'il ne servait qu'à exprimer des étals aussi exceptionnels que la frayeur ; - 2° Il exprime en effet la frayeur, mais non pas seul, car sa contraction isolée est inexpressive, et n'acquiert un sens défini qu'à la condition d'être associée à celle du frontal, et à celle des abaisseurs de la mâchoire qui ouvrent la bouche. Aussi Darwin conteste-t-il la justesse de la dénomination muscle de la frayeur que lui a donnée Duchenne, l'expression de la peur étant la résultante de plusieurs muscles combinés. D'après Reynier (Paris, 1889) qui se fonde sur un certain nombre d'expériences, « la véritable action du peaucier du cou est d'être tenseur des téguments de la partie inférieure de la face et de jouer pour les peauciers situés au-dessous du front le rôle de régulateur des mouvements. Il se contracte dans les expressions énergiques, et de son association habituelle aux sentiments intenses il résulte que sa simple contraction volontaire, ou que la tension que l'on peul artificiellement donner aux téguments de la partie inférieure de la lace, réveille l'énergie dans l'expression et dans les centres nerveux. » - 3° Henle a émis l'hypothèse que le peaucier pouvait, en comprimant la glande parotide et la glande sous-maxillaire, favoriser l'excrétion de la salive; il fait remarquer qu'il suffit d'une contraction très faible pour agir sur des glandes tendues.
La contraction du peaucier est toujours involontaire à l'état normal, et se fait par excitation réflexe. Elle peut aussi cependant être provoquée par la volonté, et un grand nombre de personnes contractent plus ou moins leur peaucier volontairement, mais d'ordinaire très faiblement : j ai vu sur un sujet qui s'est montré en public une contraction volontaire aussi intense que dans les photographies de Duchenne. Il faut se rappeler que le peaucier est très inégalement développé suivant les individus ; d'après Wood, il est plus volumineux chez les personnes qui ont le cou mince et les épaules larges, et coïncide alors avec une plus grande puissance de la volonté sur l'occipito-frontal. A titre pathologique, on a observé sa contraction dans les états convulsifs, le frisson, la rage, le tétanos.
Chez le vieillard, dont le maxillaire inférieur atrophié et privé de ses dents remonte vers le maxillaire supérieur, le peaucier subit une certaine tension plutôt qu'une tonicité active, qui lui fait abaisser et écarter les angles des lèvres, caractère frappant de la caducité.
Le peaucier est innervé par le facial (branche cervico-faciale).

Insertions

Il est moins facile qu'on ne croirait de déterminer quelles sont les insertions fixes et quelles sont les insertions mobiles. Nous distinguerons deux portions dans le platysma, une portion interne dont les insertions faciales sont osseuses, et une portion externe dont les mêmes insertions sont cutanées. Dans la portion interne, l'insertion maxillaire est évidemment en théorie une insertion fixe, et l'insertion thoracique une insertion mobile, mais en fait toutes les deux sont sensiblement fixes; la peau de la région sous-claviculaire est en effet épaisse, très peu mobile; fixée par son fascia au périoste de la clavicule et à l'aponévrose du grand pectoral, elle ne se soulève pas plus (quelques millimètres) que le maxillaire ne s'abaisse dans la contraction du muscle: l'effet obtenu est un soulèvement et mm une ascension des téguments du cou. Dans la portion externe, les deux insertions sont cutanées, toutes deux sont mobiles et tendent dans la contraction à se rapprocher l'une de l'autre: mais, les téguments de la joue et des lèvres étant plus mobiles que ceux de la région thoracique latérale et de la région deltoïdienne, ces derniers fournissent un point relativement fixe. Les mêmes réflexions s'appliquent aux faisceaux cervico-parotidiens accessoires.

Entre-croisement

L'entre-croisement des deux peauciers commence ordinairement dans la région sus-hyoïdienne, à distance égale de l'os hyoïde et du menton, et delà se prolonge jusqu'au bord maxillaire, sur une hauteur de 2 ou 3 cm.; tantôt il est très court, limité au menton même, tantôt il occupe une bien plus grande étendue, puisqu'on l'a vu commencer chez un Africain à 25 mm. de la fourchette sternale, en sorte que le peaucier couvrait toute la région antérieure du cou. Chose remarquable, cette décussation musculaire est souvent asymétrique: dans la moitié des cas (Schmidt), le peaucier du côté droit, arrivé au côté opposé, devient superficiel, et le peaucier gauche est profond, exemple invoqué par ceux qui soutiennent l'individualisation des deux moitiés du corps. Ruge a avancé que l'entre-croisement des peauciers est un phénomène progressif chez l'homme, c'est-à -dire plus marqué que chez les animaux: Popowsky au contraire, l'ayant constaté chez les mammifères non primates, chez les cynocéphales, et à l'état intensif chez le gorille et chez l'Africain, le considère chez le Caucasien comme une disposition atavique, en voie de disparition.

Connexions

Les deux peauciers droit et gauche peuvent être asymétriques et très inégaux comme développement; dans le même peaucier, la partie supérieure peut être beaucoup plus forte que la partie inférieure, ce qui fait admettre à Gegenbaur qu'elle est la partie originelle et fondamentale. On connaît plusieurs cas de dédoublement en deux plans, un superficiel, l'autre profond, tous deux à fibres longitudinales; ce dédoublement est normal chez un certain nombre de primates. Seydel (Ueber eine- Variation der Flalysma. Morphol. Jahrb., 1895) a même observé un cas où le peaucier était divisé en trois couches, dont une transversale. Il en conclut que ce muscle est la réunion de deux parties originellement distinctes : une partie postérieure, la plus ancienne, formant un sphincter externe du cou, et partagée elle-même en deux couches, une superficielle et une profonde ; une partie antérieure ou ventrale, dérivée de la couche profonde de ce sphincter externe.
Le peaucier a chez beaucoup d'animaux et chez l'embryon humain, une plus vaste extension sur la face que chez l'homme adulte et la plupart des muscles de la face étant des produits de sa segmentation, de nombreux rapports persistent encore entre ces muscles et le platysma. C'est ainsi qu'il se continue, à l'état normal et habituel : 1° avec le muscle de la houppe du côté opposé, par conséquent par ses fibres croisées; 2° avec les fibres du carré du menton, auquel il abandonne un nombre de fibres très variable: - à l'état anormal, 3°avec le triangulaire des lèvres, par le bord externe de ce muscle ; 4° avec le grand zygomatique ; 5° avec l'orbiculaire: - plus rarement encore, 6° avec le temporal superficiel ; 7° avec le muscle auriculaire postérieur.
Toutes ces variété ont une grande importance dans l'étude des origines et des connexions des peauciers de la face.
Voy. sur certains points particuliers de l'anatomie du peaucier : Welcker. Plalysma myoïdes, in Zeitschrift f. Anatomie, 1875 ; et Froriep, Ueber der Hautmuskel des Halses, in Arch. f. Atnatomie, 1877. - Schmidt. Ueber das Platysma, in Arch. f. Anal., 1894.

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